L’examen de la situation en Ouganda jeudi devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a donné lieu à des critiques et des recommandations sur la répression sanglante observée durant la campagne présidentielle entre novembre 2020 et janvier 2021.
Des pays comme la Norvège et l’Allemagne se sont ainsi inquiétés des abus notés lors de ce processus électoral. « Nous restons préoccupés par les graves violations des droits de l’homme qui se sont produites dans le contexte des élections de 2020, et par l’usage excessif de la force par la police et les agents de sécurité de l’État », a déclaré Jannicke Graatrud, Représentante permanente adjointe de la Norvège auprès de l’ONU à Genève, lors de l’examen périodique universel des droits de l’homme.
Dans une correspondance écrite, l’Allemagne a demandé de son côté comment l’Ouganda entend « traiter publiquement les événements survenus lors des émeutes des 18 et 19 novembre 2020, qui ont fait au moins 54 morts, notamment concernant l’indemnisation des victimes ».
Recommandation sur les droits à la liberté d’expression et de réunion
Pour la Suisse, il s’agit finalement de mener sans délai des enquêtes indépendantes, impartiales, approfondies et efficaces sur la mort d’au moins 54 personnes lors des manifestations de novembre 2020. Pour Berne, il faut veiller à ce que les auteurs présumés soient traduits en justice dans le cadre de procès équitables.
Plus largement, des pays ont recommandé à l’Ouganda de prendre des mesures concrètes pour protéger les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Kampala est invité à « veiller à ce que les défenseurs des droits de l’homme, les acteurs de la société civile, les partis politiques, les journalistes et les médias puissent agir librement et indépendamment sans crainte de représailles ».
Mais face à ce sombre tableau décrit par la plupart des pays occidentaux, l’Ouganda a reconnu que « les incidents de novembre 2020, qui ont entraîné la perte de vies humaines et de biens, étaient regrettables ». « Ils feraient l’objet d’une enquête, afin de déterminer de manière concluante ce qui s’est passé », a déclaré Odongo Jeje Abubakhar, Ministre des Affaires étrangères de l’Ouganda.
Sur 1.088 suspects arrêtés, 333 civils condamnés et 128 libérés
En attendant, les affaires liées aux émeutes ont fait l’objet d’une enquête et un certain nombre de personnes impliquées dans divers « actes criminels ont été soumises à une procédure régulière ». Selon Kampala, « sur un total de 1.088 suspects arrêtés pendant et après les émeutes, 949 ont été traduits en justice. Parmi eux, 333 ont été condamnés, tandis que 128 ont été libérés. Les autres font toujours l’objet d’une procédure régulière ».
En novembre 2020, les médias avaient rapporté la répression d’émeutes lors d’un mouvement de révolte consécutif à l’arrestation de l’opposant Bobi Wine. Selon le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, la période de campagne électorale a été marquée par un usage excessif de la force par les forces de l’ordre, qui a entraîné des meurtres et des blessures parmi les civils.
Au moins 54 personnes ont été tuées entre le 18 et le 20 novembre lors d’émeutes et de manifestations dans au moins sept districts du pays, à la suite de l’arrestation et la détention de deux candidats à la présidence de l’opposition, Robert Kyagulanyi, également connu sous le nom de Bobi Wine, et Patrick Oboi Amuriat, ainsi que de membres de l’opposition politique, avaient précisé les services de la Haute-Commissaire Michelle Bachelet.
Un processus d’indemnisation des victimes de la violence est en cours
Par ailleurs, Kampala a détaillé le processus d’indemnisation des victimes innocentes de la violence, qui est en cours. « Un certain nombre de demandes d’indemnisation ont été présentées au bureau du procureur général par les familles des victimes et ce bureau s’est engagé dans le processus d’indemnisation », a ajouté le chef de la diplomatie ougandaise, relevant que « certaines familles ont choisi d’obtenir réparation par le biais des tribunaux et le gouvernement examine également ces cas en vue de les résoudre de manière appropriée ».
Lors des débats, Kampala a tenté de planter le décor de cette Présidentielle de janvier 2021, qui s’est tenue « en pleine pandémie de Covid-19 », avec « des restrictions imposées pour éviter la propagation de la maladie ». « Il y avait la limitation des foules à 200 personnes lors des rassemblements », a fait valoir M. Jeje Abubakhar, ajoutant que « tous ces paramètres ont été promulgués et acceptés par tous les candidats politiques comme le strict minimum pour la tenue des élections malgré la pandémie ».
« Cependant, au cours des campagnes, certains dirigeants politiques ont déclaré qu’ils défieraient ces mesures et il s’est avéré qu’ils ont violé toutes les réglementations », a-t-il poursuivi. « Dans une démonstration d’impunité, ils ont à plusieurs reprises alimenté la peur et incité à la violence, ce qui constituait un danger clair et présent pour la sécurité et la stabilité du pays et de ses citoyens », a affirmé le Ministre ougandais des affaires étrangères.
Pour des mécanismes de contrôle renforçant la reddition des comptes des forces de sécurité
A noter qu’en marge de l’examen du rapport de l’Ouganda, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a également publié un document compilant diverses informations du système de l’ONU.
A ce sujet, l’équipe pays des Nations Unies a constaté que « beaucoup plus d’actes de disparition forcée et de torture avaient été signalés au lendemain des élections et que les actes en question étaient supposés avoir été commis pendant la période électorale ».
« Des centaines de personnes de l’opposition (représentants, sympathisants, organisateurs et membres du personnel de campagne) avaient été arrêtées et placées en détention », a fait souligné l’ONU, relevant que « certaines avaient été mises au secret, notamment dans des centres de détention militaires ».
L’équipe de pays des Nations Unies a recommandé à l’Ouganda de veiller à ce que les Principes des Nations Unies sur le recours à la force et les Lignes directrices de l’ONU sur l’utilisation des armes à létalité réduite figurent dans la formation régulièrement dispensée aux membres de la police et des autres forces de sécurité. Il s’agit aussi de garantir l’existence de mécanismes de contrôle propres à renforcer la reddition des comptes effective des forces de sécurité. Elle lui a aussi recommandé de veiller à ce que toute allégation de torture ou de recours inutile ou disproportionné à la force fasse l’objet d’une enquête et que les auteurs des faits soient poursuivis