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Enclave espagnole de Melilla, près de la frontière avec le Maroc.
Le Bureau des droits de l’homme de l’ONU et des experts indépendants onusiens ont réclamé, mardi, l’ouverture d’une « enquête immédiate et indépendante » après la mort d’une vingtaine de migrants qui tentaient de traverser la frontière marocaine vers l’enclave de Melilla sous administration espagnole.
« Nous appelons les deux pays à garantir la tenue d’une enquête efficace et indépendante, première étape pour déterminer les circonstances dans lesquelles il y a eu des morts et des blessés ainsi que toutes les responsabilités éventuelles », a déclaré à Genève une porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH), Ravina Shamdasani.
Au moins 23 migrants ont péri lors d’une tentative d’entrée vendredi de quelque 2.000 migrants à Melilla. Selon l’ONU, ce bilan est le plus meurtrier enregistré lors des nombreuses tentatives de passage de migrants subsahariens de pénétrer à Melilla et dans l’enclave espagnole voisine de Ceuta.
« Il s’agit du plus grand nombre de décès enregistrés en un seul incident depuis de nombreuses années parmi les migrants qui tentaient de passer du Maroc à l’Europe via les enclaves espagnoles de Melilla et Ceuta », a ajouté Mme Shamdasani.
Des migrants frappés à coups de matraque par des agents marocains
Les services de la Haute-Commissaire Michelle Bachelet indiquent également avoir reçu des informations selon lesquelles « des migrants ont été frappés à coups de matraque, de pied, de bousculade et de pierre par des agents marocains alors qu’ils tentaient d’escalader la clôture en fil de fer barbelé, haute de six à dix mètres, qui sépare le Maroc de Melilla ».
L’ONU appelle donc le Maroc et l’Espagne à garantir le respect des droits humains des migrants à leur frontière commune et, en particulier, à ce que leurs agents frontaliers s’abstiennent de tout recours à une force excessive contre les migrants.
L’ONU exhorte également Rabat et Madrid de prendre toutes les mesures nécessaires, aux côtés de l’Union européenne, de l’Union africaine, pour garantir la mise en place de mesures de gouvernance frontalière fondées sur les droits humains.
Ces mesures comprennent l’accès à des voies de migration sûres, l’accès à des évaluations individualisées, et la protection contre les expulsions collectives. Il s’agit aussi de lutter contre le refoulement, ainsi que contre les arrestations et détentions arbitraires.
De leur côté, des experts indépendants de l’ONU ont également exigé une « enquête immédiate » à la suite de ce drame de Melilla.
« Nous demandons instamment aux gouvernements marocain et espagnol de mener des enquêtes rapides, approfondies, indépendantes, impartiales et transparentes sur ces décès et de déterminer les responsabilités correspondantes », ont indiqué dans un communiqué le Comité des Nations Unies sur les travailleurs migrants (CTM), relevant que « cette tragédie aurait pu être évitée si une approche globale fondée sur les droits avait été intégrée aux politiques frontalières ».
Le Comité des migrants veut un accès à la justice des victimes et de leurs familles
Pour le Comité, il reste à déterminer si les victimes sont mortes en tombant de la clôture, dans une bousculade ou à la suite d’une action des agents chargés du contrôle des frontières. Les experts indépendants ont exhorté les deux États à mener des enquêtes immédiates et approfondies et à demander des comptes aux responsables.
Pour cet organe des traités dépendant du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH), des mesures devraient être prises pour garantir l’accès à la justice des victimes et de leurs familles. Les autorités devraient également fournir une réparation complète pour les violations des droits de l’homme, y compris les violations du principe de non-refoulement par des refoulements arbitraires.
En particulier, le gouvernement marocain est tenu de préserver les corps des personnes décédées, de les identifier pleinement et d’informer leurs familles, et de fournir le soutien nécessaire au transfert des corps. Quant aux blessés, ils doivent recevoir les soins médicaux essentiels à leur prompt rétablissement.
« Nous sommes consternés par la mort de ces migrants qui avaient l’intention de franchir la frontière pour chercher une vie meilleure sur la base de leurs droits humains légitimes », ont regretté les experts indépendants, exprimant ainsi leur vive inquiétude et profonde tristesse face à cette tragédie.
Pour un respect du droit à la vie et de la dignité des migrants aux frontières
Plus largement, le Comité déplore les violations du droit à la vie, qui est inscrit dans la Convention internationale sur les travailleurs migrants. « Sur la base des informations que nous avons recueillies, nous rappelons à tous les États que les migrants ne doivent être soumis à aucun traitement ou châtiment cruel, inhumain ou dégradant », ont-ils fait valoir.
Une façon de rappeler aux Etats leur obligation de garantir que « toutes les politiques et pratiques aux frontières respectent le droit à la vie, à la dignité, à la sécurité et à l’intégrité physique des migrants en toutes circonstances.
Afin d’éviter que de telles tragédies ne se reproduisent, le Comité a également demandé au Maroc, à l’Espagne et aux autres États de l’Union européenne d’élargir la disponibilité des voies de migration sûre et ordonnée, et de prendre des mesures pour garantir et respecter le droit de demander et de recevoir l’asile. Il exhorte tous les gouvernements concernés des pays d’accueil et de transit à traiter les migrants avec sécurité, dignité et humanité, conformément à leurs obligations internationales.
Le Comité appelle la communauté internationale et les Etats à veiller à ce que de tels événements ne se reproduisent pas. Si la détention doit être « une mesure exceptionnelle de dernier recours », « le recours à la force publique en cas de détention doit également être proportionné et respecter, à tout moment, les droits humains des personnes dans le contexte de la migration », ont conclu les experts du Comité de l’ONU.
Proposé par I. NDIAYE