Une semaine après la suspension de Radio Oméga pour avoir diffusé l’interview d’un opposant à la junte nigérienne, la direction du média a saisi le Conseil d’État du Burkina Faso pour l’annulation de la mesure. Reporters sans frontières (RSF) dénonce les nombreuses menaces contre cette radio indépendante et encourage les médias locaux à résister face aux mesures contre la liberté de la presse prises par la junte.
C’est la quatrième suspension d’un média en moins d’un an au Burkina Faso. Elle concerne cette fois-ci la station locale Radio Oméga, que la junte au pouvoir a décidé d’interrompre, jeudi 10 août, jusqu’à nouvel ordre. Le prétexte ? Avoir diffusé le même jour, l’interview d’Ousmane Abdoul Moumouni, porte-parole du Conseil de la résistance pour la République (CRR), un mouvement proche du président nigérien renversé le 26 juillet. Le 11 août, le journaliste qui a réalisé l’interview, Abdoul Fhatave Tiemtoré, a été convoqué par la Sûreté de l’Etat, qui l’a auditionné pendant près de cinq heures.
La décision du gouvernement burkinabè de réduire au silence Radio Oméga a immédiatement été dénoncée par les Organisations professionnelles des médias. Elles condamnent une “énième intrusion dans la régulation des médias” avec cette suspension qu’elles considèrent comme “illégale”. Selon la loi, au Burkina Faso, seul le Conseil supérieur de la communication a les prérogatives de suspendre un média. La direction de la radio a saisi le Conseil d’État pour user de ses droits de recours.
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Les juntes sahéliennes peinent à accepter toute voix dissidente, comme le montre la suspension arbitraire et illégale de Radio Oméga au Burkina Faso, qui a toujours fait son travail d’information dans le paysage médiatique local. En réduisant au silence l’un des médias les plus écoutés du pays, la junte cherche à imposer un narratif qui lui est favorable, alors que la population a besoin d’un paysage médiatique pluriel et d’informations indépendantes fiables. Nous demandons au Conseil d’État de rétablir la diffusion des programmes de Radio Oméga, afin que ses journalistes puissent reprendre leur travail sans crainte de représailles.”
Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF
Créée en 2011, Radio Oméga est une filiale du groupe Oméga Médias – qui compte aussi une chaîne de télévision et des plateformes digitales non concernées par la suspension, qui a su se faire une place dans le paysage médiatique burkinabè. Elle emploie une centaine de personnes dans ses stations de la capitale Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays (sud-ouest).
Depuis l’arrivée au pouvoir de la junte en septembre 2022, la radio a été particulièrement ciblée et ses journalistes menacés, sans qu’aucune mesure de protection et de condamnation ne soit émise de la part des autorités judiciaires et policières. Le 13 octobre 2022, un chroniqueur de la radio, Alain Traoré, a déposé une plainte contre X après avoir reçu des menaces de mort qui circulaient sous forme d’audios dans des groupes Whatsapp. L’auteur lui reprochait d’avoir “manqué de respect au peuple” dans une de ses émissions. Le groupe Oméga avait reçu plusieurs appels à “incendier” ses locaux, circulant sur les réseaux sociaux,. Une plainte a été déposée le 18 octobre 2022. Par ailleurs, en avril 2023, le journaliste de Radio Oméga Lamine Traoré a fait l’objet d’une
campagne de dénigrement avec deux de ses confrères burkinabè particulièrement violente.
RSF a démontré, dans son enquête sur le journalisme au Sahel, que les juntes au Sahel, n’hésitent pas à refaçonner le paysage médiatique, pour mieux servir leurs intérêts. C’est ainsi qu’au Burkina Faso, la chaîne d’information en continue française LCI, accessible par le bouquet satellitaire, a été suspendue pour trois mois le 29 juin 2023. France 24 l’a été sine die depuis le 27 mars 2023 et Radio France Internationale depuis le 3 décembre 2022. Les correspondantes du Monde Afrique et de Libération ont aussi été expulsées en avril dernier.