La journaliste Sandra Muhoza est placée sous mandat de dépôt depuis le 18 avril. Accusée d’”atteinte à la sécurité de l’État et d’aversion ethnique”, elle risque la prison à vie. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une détention arbitraire et exige des autorités sa libération immédiate.
Nouvelle révoltante pour la liberté de la presse au Burundi. Placée sous mandat de dépôt le 18 avril, la journaliste du média en ligne, La Nova Burundi Sandra Muhoza, est désormais enfermée à la prison centrale de Mpimba.
Détenue dans les locaux des Services de Renseignements nationaux à Bujumbura depuis le 13 avril et transférée à la prison centrale de Mpimba cinq jours plus tard, elle a comparu devant un magistrat le 22 avril pour “atteinte à la sécurité de l’État et d’aversion ethnique”.
Selon les informations recueillies par RSF, elle aurait été incriminée à la suite d’informations partagées sur un groupe WhatsApp de professionnels de l’information, mettant en cause des personnalités du pouvoir en place. Elle n’enquêtait même pas sur cette affaire, qui avait par ailleurs été relayé par un autre média, qui a par la suite retiré son article.
Actuellement en détention provisoire, aucune date de jugement n’est prévue à ce jour. La journaliste risque la prison à vie.
“C’est une situation alarmante et incompréhensible. Pendant plusieurs jours, les motifs de l’arrestation de Sandra Muhoza sont restés inconnus. On apprend désormais que la journaliste risque l’emprisonnement à perpétuité. A l’instar de Floriane Irangabiye, le motif d’atteinte à la sécurité intérieure est utilisé pour faire taire un journaliste qui pourrait mettre à mal l’image du gouvernement. Elle n’enquêtait même pas sur une affaire dont elle s’est fait l’écho dans un groupe privé de professionnels et qui lui vaut aujourd’hui son enfermement. Cette arrestation est totalement arbitraire. Les autorités doivent abandonner les charges qui pèsent contre elle et la libérer immédiatement”.
Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF
Selon les informations de RSF recueillies auprès de sa famille et de son avocat, la journaliste, inscrite sur un canal de discussion WhatsApp destiné aux journalistes du pays, y avait affirmé être au courant de faits de distribution présumée de machettes par le CNDD-FDD, le parti en place, à des Imbonerakure, des jeunes militants, et ce à travers tout le pays. Quelques jours plus tard, Sandra Muhoza a reçu une invitation d’un riche commerçant proche du Service national de renseignement (SNR), pour une interview sur la culture de l’avocatier programmée le 12 avril dans l’entrepôt de celui-ci. Elle a été arrêtée par le Commissaire du SNR à Ngozi, son lieu de résidence, interrogée en présence du commerçant, puis transférée le soir même à Bujumbura, la capitale, 100 kilomètres au sud du pays
Le lendemain, et après 24 heures sans nouvelles, la famille de la journaliste a reçu un sms envoyé depuis le téléphone portable de Sandra Muhoza, annonçant qu’elle était retenue au SNR de Bujumbura, au nord du Burundi, et lui demandant d’apporter des vêtements et une trousse de toilette. La journaliste avait passé la veille en cellule à la police judiciaire de Ngozi, au nord du pays, avant d’être déplacée la capitale. Le 22 avril, elle a comparu devant un magistrat qui n’a pas donné de date de jugement pour le moment.
Deuxième femme journaliste africaine emprisonnée
Sandra Muhoza pourrait être la deuxième femme journaliste emprisonnée au Burundi – et en Afrique. En janvier 2023, l’animatrice de la radio en ligne Igicaniro Floriane Irangabiye avait été condamnée à dix ans de prison après avoir été reconnue coupable “d’atteinte à la sûreté intérieure du territoire national”, après des émissions radios critiques du pouvoir burundais émises depuis le Rwanda. Elle est à ce jour la seule femme reporter enfermée en Afrique.
Le Burundi occupe la 114e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.