Département d’État des États-Unis
Antony J. Blinken, secrétaire d’État
Beijing, République populaire de Chine
Le 26 avril 2024
Point de presse
MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Bonsoir à tous. Il y a dix mois, je me suis rendu en République populaire de Chine à un moment de profonde tension entre nos deux pays, dans le but de stabiliser nos relations, de rouvrir et de renforcer nos canaux de communication à haut niveau. Au cours d’une série de conversations franches et constructives que j’ai eues avec le président XI et d’autres hauts responsables, j’ai clairement communiqué nos politiques et nos intentions, et identifié des questions d’intérêt commun sur lesquelles nous pourrions travailler ensemble. Ces discussions, qui ont été suivies par d’autres visites et réunions de haut niveau entre nos gouvernements, ont permis de jeter les bases d’un sommet productif entre les présidents Biden et Xi à San Francisco. À la fin de l’année dernière, nos dirigeants sont convenus de mesures concrètes pour coopérer sur des questions importantes pour nos peuples et pour le monde, et pour réduire le risque de malentendus et de mauvais calcul.
Dans les mois qui ont suivi, nous nous sommes concentrés de manière approfondie sur la façon de concrétiser ces engagements. Je suis retourné en Chine cette semaine pour faire le point sur les progrès accomplis et sur ceux qui restent à faire afin que nous puissions obtenir des résultats concrets pour le peuple américain. C’est ce qui a été au centre de mes réunions avec le président XI, le directeur et ministre des Affaires étrangères Wang Yi, le ministre de la Sécurité publique Wang Xiaohong et le secrétaire du parti à Shanghai, Chen Jining.
Depuis le sommet de Woodside, nous avons fait progresser notre coopération sur le fentanyl et d’autres drogues de synthèse, première cause de mortalité chez les Américains âgés de 18 à 45 ans. Plus précisément, la RPC a publié un avis public à l’intention de l’industrie. Elle a pris des mesures d’exécution à l’encontre de certaines entreprises qui produisent des précurseurs – ce sont les composants chimiques qui servent à fabriquer les drogues de synthèse. Les États-Unis et la Chine ont mis en place un groupe de travail conjoint sur la lutte contre les stupéfiants afin de collaborer en matière d’élaboration des politiques et d’application de la loi, et de partager leur expertise technique. Grâce en grande partie aux efforts du groupe de travail, la Chine fournit aux services répressifs internationaux des informations qui permettent de localiser et d’intercepter les drogues illicites et leurs précurseurs. Et nos deux gouvernements sont récemment convenus de partager les meilleures pratiques sur les moyens d’éliminer les échappatoires dans nos systèmes financiers dont les trafiquants de drogue et d’autres entreprises criminelles se servent pour blanchir de l’argent.
Il s’agit donc d’un grand pas en avant, mais il reste encore beaucoup à faire. Lors de nos discussions, j’ai souligné à quel point il est important que la RPC prenne des mesures supplémentaires, notamment pour ce qui est de poursuivre ceux qui vendent les produits chimiques et les équipements entrant dans la fabrication du fentanyl, de respecter ses engagements internationaux relatifs à la réglementation de tous les précurseurs qui sont contrôlés par la Commission des stupéfiants des Nations unies et de perturber les réseaux de financement illicites.
Depuis le sommet de Woodside entre les présidents, nous avons également repris les communications directes à plusieurs niveaux entre nos armées, ce qui était une priorité absolue lors de mes réunions à Beijing l’année dernière. En janvier, les responsables de la défense des États-Unis et de la RPC se sont réunis pendant deux jours au Pentagone. Au début du mois, les forces aériennes et navales de nos deux pays ont tenu des discussions visant à garantir des interactions plus sûres. La semaine dernière, le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, a eu son premier appel vidéo avec le ministre de la Défense, Dong Jun. Des lignes de communication directes, ouvertes et claires comme celles-ci sont essentielles pour éviter les erreurs de calcul.
J’ai le plaisir d’annoncer que, plus tôt dans la journée, nous sommes convenus d’organiser les premiers entretiens États-Unis-Chine sur l’intelligence artificielle, qui se tiendront dans les semaines à venir. Nous partagerons nos points de vue respectifs sur les risques et les problèmes de sécurité liés à l’intelligence artificielle avancée et sur la meilleure façon de les gérer. Nous avons également évoqué les moyens de continuer à développer les liens interpersonnels entre nos pays, en particulier les échanges éducatifs. Il est dans l’intérêt de nos gouvernements de créer des conditions ouvertes et accueillantes pour ces programmes qui enrichissent depuis longtemps nos deux pays.
Comme vous le savez, j’ai eu l’occasion hier de rencontrer une trentaine d’étudiants américains et chinois qui apprennent côte à côte dans le cadre du programme de l’Université de New York à Shanghai et d’autres programmes universitaires conjoints entre les États-Unis et la RPC en Chine. Ils m’ont dit que ces expériences leur ont permis d’approfondir leurs connaissances pendant leurs cours et en dehors des cours, et de tisser des liens qui dureront bien au-delà de leur expérience éducative commune. Alors que les États-Unis accueillent plus de 290 000 étudiants chinois, le nombre d’Américains qui font des études en Chine s’élève à moins de 900, ce qui représente une baisse significative par rapport à il y a dix ans, lorsqu’ils étaient environ 15 000 à étudier ici. Le président Xi a dit vouloir augmenter de manière importante le nombre d’étudiants américains ici dans les années à venir, et c’est un objectif que nous soutenons.
C’est dans notre intérêt parce que si nos futurs dirigeants – que ce soit dans le gouvernement, les affaires, la société civile, le domaine du climat, la technologie et d’autres secteurs encore – comptent pouvoir collaborer, résoudre de grands problèmes et surmonter leurs différences, ils devront se connaître et se comprendre, dans leur langue, leur culture et leur histoire. Ce que j’ai dit à mes homologues de la RPC lors de cette visite, c’est que s’ils veulent attirer davantage d’Américains en Chine, en particulier des étudiants, la meilleure façon d’y parvenir est de créer les conditions qui favorisent l’épanouissement de l’apprentissage partout : une discussion libre et ouverte des idées, l’accès à un large éventail d’informations, la facilité de voyager, la confiance dans la sûreté, la sécurité et la vie privée des participants.
Aujourd’hui, même si nous cherchons à approfondir notre coopération là où nos intérêts convergent, les États-Unis sont très lucides sur les défis posés par la RPC et sur nos visions opposées de l’avenir. L’Amérique défendra toujours ses valeurs et ses intérêts fondamentaux. Au cours de mes discussions aujourd’hui, j’ai réitéré notre vive inquiétude face à l’approvisionnement de la Russie par la RPC en composants qui alimentent sa guerre d’agression contre l’Ukraine. La Chine est le principal fournisseur de machines-outils, de microélectroniques, de nitrocellulose — des éléments essentiels à la fabrication de munitions, de propergol et d’autres biens à double usage, employés par Moscou pour renforcer sa base industrielle de défense, une base industrielle de défense qui produit des roquettes, des drones, des chars et d’autres armes utilisés par Poutine pour envahir un pays souverain, détruire son réseau électrique et d’autres infrastructures civiles, et tuer des enfants, des femmes et des hommes innocents. La Russie peinerait à poursuivre son attaque contre l’Ukraine sans le soutien de la Chine.
Dans mes réunions avec les Alliés de l’OTAN au début du mois, et avec nos partenaires du G7 pas plus tard que la semaine dernière, j’ai entendu le même message : le fait d’alimenter la base industrielle de défense de la Russie menace non seulement la sécurité de l’Ukraine mais aussi celle de l’Europe. Beijing ne peut pas à la fois améliorer ses relations avec l’Europe et soutenir la plus grande menace à la sécurité européenne depuis la fin de la guerre froide. Comme nous l’indiquons à la Chine depuis un certain temps, la sécurité transatlantique représente un intérêt fondamental pour les États-Unis. Lors de nos discussions d’aujourd’hui, j’ai fait savoir que si la Chine ne se penchait pas sur ce problème, nous le ferions.
J’ai également fait part de nos préoccupations concernant les pratiques commerciales déloyales de la RPC et les conséquences potentielles de sa surcapacité industrielle sur les marchés mondiaux et américains, en particulier dans un certain nombre de secteurs clés qui seront le moteur de l’économie du XXIe siècle, tels les panneaux solaires, les véhicules électriques et les batteries qui les alimentent. La Chine produit à elle seule plus de 100 % de la demande mondiale de ces produits, inondant les marchés, sapant la concurrence et mettant en péril des sources de revenus et des entreprises aux quatre coins du monde.
C’est un scénario que nous avons déjà vu et dont nous connaissons déjà la fin, c’est-à-dire des entreprises américaines qui mettent la clé sous la porte et la perte d’emplois américains. Le président Biden ne laissera pas cela arriver sous son mandat. Nous ferons ce qu’il faut pour garantir que la main d’œuvre américaine puisse faire face à la concurrence sur un pied d’égalité. Les actions de l’Amérique ne visent pas à freiner le développement de la Chine, et nous ne dissocions pas non plus nos économies. Comme l’a souligné la secrétaire au Trésor Yellen lors de son récent déplacement, ce serait désastreux pour l’économie mondiale, y compris celle des États-Unis. Nous voulons que l’économie de la Chine se développe. C’est ce que veulent aussi les entreprises et les investisseurs américains ici – et j’ai eu l’occasion d’en rencontrer plusieurs à Shanghai. Mais la façon dont la Chine se développe est importante. Comme je l’ai expliqué à mes homologues, il faut entretenir une relation économique saine, où les travailleurs et les entreprises américaines sont traitées sur un pied d’égalité et équitablement.
Au cours de mes réunions aujourd’hui, j’ai discuté des actions dangereuses de la RPC en mer de Chine méridionale, notamment contre les opérations de maintenance et les opérations maritimes de routine conduites par les Philippines près du banc Second Thomas. La liberté de navigation et de commerce dans ces voies navigables est cruciale, non seulement pour les Philippines, mais aussi pour les États-Unis et l’ensemble des nations du Pacifique et du monde. C’est pourquoi tant de pays ont exprimé leur inquiétude face aux manœuvres maritimes de la RPC.
J’ai bien fait savoir que si les États-Unis continueront de s’employer à apaiser les tensions, leurs engagements envers les Philippines en matière de défense restent inébranlables. J’ai réaffirmé la politique américaine d’une seule Chine, et j’ai souligné l’importance vitale du maintien de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan.
J’ai évoqué la situation des citoyens américains détenus à tort et de ceux qui font l’objet d’une interdiction de sortie du territoire. Le président Biden et moi-même ne ménagerons pas nos efforts tant qu’ils ne seront pas rentrés dans leurs familles, là où est leur place. J’ai également fait part de mes préoccupations au sujet de l’érosion de l’autonomie et des institutions démocratiques à Hong Kong, de la répression transnationale, des atteintes aux droits de la personne au Xinjiang et au Tibet, et d’un certain nombre de cas individuels de violations des droits humains.
Nous avons parlé de la liberté de la presse et de l’accès à celle-ci. Je salue le fait que la RPC ait accordé des visas de courte durée à un certain nombre de journalistes étrangers présents ici afin qu’ils puissent couvrir cette tournée. Lors de mes réunions, j’ai encouragé mes homologues chinois à respecter leur engagement de 2021 à fournir un accès égal aux organes médiatiques de nos deux pays. Les États-Unis continueront d’insister sur la réciprocité dans ce domaine, tout comme il le font pour leurs entreprises, leurs échanges interculturels et de nombreux autres domaines.
Nous avons aussi discuté de plusieurs crises régionales et mondiales dans lesquelles la Chine peut jouer un rôle constructif. J’ai encouragé la Chine à user de son influence pour décourager l’Iran et ses mandataires d’élargir le conflit au Moyen-Orient, et à faire pression sur Pyongyang pour qu’elle mette fin à son comportement dangereux et engage le dialogue. À l’avenir, nous poursuivrons nos discussions de haut niveau sur ces questions et sur d’autres.
Toutes les politiques menées par les États-Unis au cours des trois dernières années, sur leur territoire et dans le monde entier, sont guidées par l’objectif unique de répondre aux besoins des Américains, de relever les défis auxquels ils sont confrontés, de créer les opportunités qu’ils recherchent, de construire un avenir où ils seront, eux et leurs enfants et leur petits-enfants, en sécurité, libres, prospères et en bonne santé.
C’est ce qui a motivé les investissements historiques que nous avons réalisés dans notre compétitivité nationale et dans la revitalisation de nos alliances et de nos partenariats dans le monde. C’est ce même objectif fondamental qui a animé mes réunions en Chine ces derniers jours et qui continuera de nous guider dans la gestion d’une relation si importante pour nos deux nations et pour le monde entier.