© UNODC/Laura Gil
La ville de Marawi à Mindanao a été attaquée par des militants islamistes en 2017.
Une ancienne combattante qui se bat pour les droits de son peuple sur l’île de Mindanao, aux Philippines, raconte comment elle a troqué son treillis de combat contre des jilbabs [vêtements d’extérieur] et sa vie dans la jungle contre une communauté rurale plus paisible.
Suraida « Sur » Amil a rejoint la Brigade auxiliaire des femmes islamiques de Bangsamoro (BIWAB) à l’âge de 18 ans, dans le but d’obtenir l’autonomie pour les régions majoritairement musulmanes de Mindanao.
Après la signature d’un accord mettant fin à l’insurrection et prévoyant une plus grande autonomie pour le peuple de Bangsamoro, elle a participé à un programme de réconciliation soutenu par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) afin de réintégrer et de réhabiliter les anciens combattants.
Alors que l’ONU a célébré la Journée internationale de la non-violence, le 2 octobre, ONU Info publie son témoignage.

© UNODC/Laura Gil
Suraida ‘Sur’ Amil est maintenant une défenseure de la paix au sein de la communauté.
« Dès mon enfance dans le Bangsamoro, j’ai vu à quel point la vie était difficile pour mes parents. Ils ont été confrontés à différentes formes de discrimination et ont été témoins de la brutalité de la loi martiale déclarée en 1972, qui a duré neuf ans et qui a profondément affecté de nombreuses communautés à travers Mindanao, y compris les populations musulmanes.
Mes parents ont eu une vie difficile, ils ont vécu dans la pauvreté et n’ont pas pu réaliser leurs rêves. Cela a affecté ma vie et celle de mes neuf autres frères et sœurs. J’espérais devenir enseignante, mais je n’ai jamais pu le faire, car je n’ai pas terminé l’école en raison du manque de soutien financier.
À dix-huit ans, j’ai compris que je devais me battre pour les droits de notre peuple, pour notre autodétermination, non seulement pour ma génération, mais aussi pour les générations futures.
Un de mes amis était membre du BIWAB et dès que j’ai entendu parler de ses objectifs, j’ai pensé à la souffrance de mes parents et à ce que je pouvais faire pour améliorer la situation de notre communauté.
Si vous me demandez si je choisirais la guerre ou la paix, je ne choisirais bien sûr jamais la guerre plutôt que la paix, mais nous avons dû nous battre pour cette paix.

© Suraida Amil
Suraida ‘Sur’ Amil est maintenant une défenseure de la paix au sein de la communauté.
J’ai passé du temps à opérer dans la jungle en tant que combattante. C’était un environnement difficile, où l’on vivait dans les montagnes avec des animaux sauvages, sans le confort d’une maison.
Mais les femmes sont très fortes ; elles ont la capacité de devenir des combattantes tout en subvenant aux besoins de leur famille.
Des stylos à bille plutôt que des fusils, des jilbabs plutôt que des uniformes militaires
En 2014, l’accord de paix pour le Bangsamoro (Comprehensive Agreement on the Bangsamoro, CAB) a été signé et, petit à petit, nous nous transformons en civils.
J’ai troqué mes bottes de combat contre du rouge à lèvres, je porte des stylos à bille pour écrire plutôt qu’une arme pour tirer, je porte un jilbab et non un uniforme militaire et j’ai quitté la jungle pour retourner dans ma communauté.
Je suis devenue animatrice de paix et je travaille avec les habitants de ma région sur des questions telles que la violence sexiste et la prévention de l’extrémisme violent.
L’islam dit que si l’on sauve une vie, c’est comme si l’on avait sauvé l’humanité
L’islam nous enseigne à être bons les uns envers les autres et à ne pas faire de mal à d’autres êtres humains. L’islam dit que si l’on sauve une vie, c’est comme si l’on avait sauvé l’humanité.
J’apprécie mon rôle de défenseure de la paix au sein de ma communauté et j’en suis fière.
Dans le cadre de l’atelier de discussion sur les formes modernes de communication, auquel j’ai participé, j’ai appris à promouvoir la sensibilisation et la prévention de l’extrémisme violent sur les médias sociaux.
Je mène aujourd’hui une vie de paix, mais le message que j’adresse à ma fille a toujours été qu’elle doit toujours se battre pour ses droits.
Lorsque vous vous battez pour une noble cause, peu importe que vous gagniez ou perdiez quelque chose, car c’est la cause elle-même qui compte vraiment »