Conçu par la direction du Budget et basé sur la loi de finances pour 2024, le budget de l’État guinéen présente des données importantes sur l’état de ses finances pour l’année en cours. Il précise le montant des recettes et des dépenses, l’équilibre budgétaire, ainsi que les crédits de paiement par mission et par ministère. Selon ce budget, les recettes nettes de l’État s’élèvent à 311 917 mille-milliards de GNF, tandis que les charges nettes atteignent 453 241 mille-milliards de GNF, entraînant un solde négatif de -146 891 mille-milliards GNF.
Cet écart met en évidence les défis majeurs que rencontre la Guinée pour atteindre l’équilibre budgétaire, une notion qui, historiquement, n’a pas toujours été prioritaire pour le pays. En effet, les Guinéens, pour des raisons politiques et économiques, ne placent pas toujours cet équilibre entre recettes et dépenses au centre des préoccupations nationales.
Les Raisons Politiques et Économiques du Déséquilibre Budgétaire
Sur le plan politique, l’équilibre budgétaire nécessite que les recettes d’impôts soient précisément calculées pour couvrir les charges publiques. Ce calcul est une décision stratégique, car il permet au Parlement de contrôler les dépenses publiques et de limiter l’intervention de l’État. Toutefois, cette approche est souvent remise en question dans un contexte où l’État doit jouer un rôle important pour stimuler le développement.
D’un point de vue économique, le déficit budgétaire contraint l’État à recourir à l’emprunt, une mesure généralement critiquée par les économistes libéraux guinéens. En effet, un excédent de recettes, en dehors des dépenses, serait également considéré comme inefficace, car il immobilise des fonds qui auraient pu servir la consommation ou l’investissement privé. Ce modèle trouve ses limites dans le cadre d’un État interventionniste, où le développement impose une croissance équilibrée de l’ensemble des secteurs économiques.
Les Enjeux de la Croissance et de la Justice Sociale
Pour que la Guinée atteigne un développement durable, il est essentiel d’éliminer les freins internes et externes à la croissance, d’améliorer la production et de s’assurer que celle-ci dépasse le taux de croissance démographique. Par ailleurs, la justice sociale, condition indispensable pour une démocratie véritable, exige une amélioration de la condition des populations les plus vulnérables. Enfin, l’indépendance économique et budgétaire reste un objectif central et constamment renouvelé.
Complexité Croissante du Domaine Budgétaire
Aujourd’hui, les parlementaires guinéens ont un pouvoir limité sur la gestion budgétaire, en dépit de la présence de commissions permanentes spécialisées. Le rôle dominant de la technocratie financière guinéenne, constituée des directions du ministère des Finances, des inspecteurs des finances et de la Cour des comptes, influence toutes les étapes de la procédure budgétaire : de la préparation à l’exécution, en passant par le contrôle.
Cette domination de l’exécutif et des experts budgétaires a conduit à une évolution des principes budgétaires traditionnels, auxquels de nombreuses exceptions sont désormais faites pour s’adapter aux réalités économiques et sociales.
Le problème de l’équilibre budgétaire en Guinée dépasse la simple gestion des chiffres ; il reflète les enjeux de développement, de justice sociale, et d’indépendance économique. Dans un contexte où l’État doit jouer un rôle central dans la croissance et le bien-être des citoyens, il est crucial de repenser la politique budgétaire pour concilier efficacité économique et équité sociale.
Dr BAH Aliou, Inspecteur Principal des Impôts