‘’La Guinée est un scandale géologique. Tous les métaux précieux se sont donné rendez-vous en Guinée’’. Ces propos de l’ancien Président Ahmed Sékou Touré au-delà d’être bien connus des guinéens, est une réalité jusque-là incontestée. Seulement, à bien des égards, cette richesse est aujourd’hui taxée par moult bouches de ‘’malédiction’’ pour la simple raison qu’elle ne profite pas aux guinéens, du moins à tous les guinéens. Tenez, au cours des négociations portant sur des accords miniers entre l’Etat guinéen et les partenaires, il se passe parfois des choses pas catholiques et les plus avérées sont notamment orchestrées par des cadres guinéens pour des fins d’intérêts personnels. L’exécrable est que le plus souvent c’est amateurisme, la duperie qui priment sur le professionnalisme. L’accord entre l’Etat guinéen, Winning Consortium Simandou (WCS) et Rio Tinto (Simfer SA) est l’exemple le plus patent.
Les détails c’est dans les lignes qui suivent :
Dans la nuit du vendredi, 25 mars 2022, il y a eu la signature d’un nouvel accord entre Etat guinéen, Winning Consortium Simandou (WCS) et Rio Tinto (Simfer SA) qui évoluent sur le projet Simandou.
Les différents points appelés dans cet accord-cadre entre WCS et Rio Tinto d’innovation ne sont que des partitions de la ruse manœuvrière de » Leuk le Lièvre’’. (Et ça vous dit certainement quelque chose).
La preuve ? Cet accord dont on se gargarise aujourd’hui ne manque pas d’incohérences. C’est ce que nous allons démontrer ici pour éclairer les zones d’ombre.
1 – La participation de l’Etat:
Il est dit que sans rien apporter, l’Etat aura une participation pendant la construction. Mais ce n’est pas en ce moment que cela génère des intérêts.
Ainsi, l’avantage d’être dedans en ce moment, c’est la présence au Conseil d’Administration pour suivre et influencer les décisions.
Or, cela était déjà prévu. Une fois la construction finie et la production initiée, il y aura une discussion autour des modalités de cette participation.
Il n’est pas exact de dire que l’Etat a une participation gratuite dans les infrastructures.
D’ailleurs, à ce niveau, il y a lieu de préciser qu’il s’agit d’une participation dans des infrastructures qui ont vocation d’être reversées dans le portefeuille de l’Etat Guinéen. Toute chose qui amène simplement à des complications structurales inutiles qui, si on n’y prend garde, pourraient être défavorables à l’Etat.
En fait, dans ce genre de deal, il faut éviter des formules aménagées comme BOT aménagé alors que les conventions ont opté pour un BOT classique ou habituel dont le modèle est non seulement connu de tous mais aussi le suivi est plus facile car il n’y a pas de nouvelle intelligence à y mettre, autrement dit pas de roublardise possible.
2 – Le calendrier
Un calendrier était bel et bien prévu dans les précédentes conventions notamment celles concernant WCS qui donne des délais assortis de pénalités voire du retrait.
3 – Le contenu local
Les conventions prévoient déjà des dispositions précises sur le contenu local. Dans les conventions WCS, les exigences de quota vont au-delà de ce que la loi (le Code minier) prévoit.
En outre, les obligations de formation sont très détaillées dans ces conventions.
4 – Les caractères multi-usage et multi utilisateurs (transport de marchandises et de passagers, utilisation par d’autres miniers) étaient déjà prévus et garantis par les conventions existantes. Mais en vain !
Ainsi, cet accord nouvellement signé prévoit de « laisser les conventions négociées telles qu’elles sont et de mettre en place une SPV, c’est-à-dire un véhicule qui intégrera les deux et dans laquelle SPV, l’Etat aura également 15%.
Par la suite, les sociétés WCS et SIMFER Rio Tinto auront chacune 42,5% dans la SPV. Les modalités de financement de ces 15% d’actions dans cette SPV feront certainement l’objet de discussions.
A rappeler que la mine faisait déjà l’objet d’une participation de l’Etat, non contributive et non diluable à hauteur de 15%, conformément aux dispositions du Code minier guinéen.
Le seul élément nouveau qui consiste en un choix différent de la situation antérieure est cette participation de l’Etat, car celui-ci prend une participation de 15% dans une entité d’infrastructures alors que cela n’existait pas au paravent. Toutefois dans les propos du ministre des Mines et de la Géologie, on note une contradiction majeure quand il affirme que l’Etat a 15%, tout en soulignant paradoxalement que le même Etat est propriétaire des infrastructures dès leur construction. La réalité est que la SPV sera propriétaire des infrastructures et l’Etat prendra dans cette SPV une participation de 15%. En fait l’Etat décide de prendre une participation dans une entité qui est propriétaire d’infrastructures qui lui reviendront de droit. Cela suppose que dans tous les cas de figure, dès lors que le financement de ces 15% est assuré par les partenaires, cela revient finalement d’un point de vue de l’analyse économique à une même réalité pour l’Etat. Ainsi, au début, en raison du remboursement des 15%, les revenus devant revenir à l’Etat seront déduits au prorata. Ils augmenteront plus tard.
Mais le retour à l’Etat pourrait retarder en raison de l’existence de cette part. C’est un principe de BOT aménagé que choisissent les nouvelles autorités contre un BOT classique dans les conventions existantes.
Le plus important pour l’Etat est de s’assurer que le projet sera suivi de contrôle pendant la construction et que cette même construction fera également l’objet d’entretien après sa réalisation et qu’après la période d’amortissement, elle sera de bonne qualité.
Sur les autres points, à la lecture des accords initiaux, des conventions des deux sociétés, les infrastructures étaient ouvertes à l’utilisation multiple et diverse, à savoir : le transport des biens et des passagers ainsi qu’à l’utilisation par d’autres miniers sur le corridor. Cela n’est pas du tout nouveau.
Le contenu local également, avec même des taux (pourcentage) de parts de marché, est aussi prévu dans les conventions existantes. Les entreprises étrangères en place intervenaient dans des domaines d’Expertise pointue comme la construction de chemins de fer, de tunnels, de viaducs etc. Et c’était au compte des partenaires car leurs travaux ne leur sont pas payés en argent maintenant mais plutôt après la mise en production.
En outre, l’accord prévoit que WCS continue à réaliser le tronçon du chemin de fer sur lequel elle évolue ainsi que sur son immense port à barges qu’elle est en train de réaliser. SIMFER RIO doit réaliser le tronçon qui relie sa mine à la ligne que construit WCS. Aussi, il était prévu que SIMFER construit un port en eaux profondes selon ses propres engagements mais elle semble aussi vouloir commencer par un port à barges. Sur ce, WCS est prête à réserver à SIMFER une place suffisante (des quais) pour son projet au niveau du port en construction à Moribaya (Forécariah).
Chacune des entités va apporter des actifs (chemin de fer et port en construction pour WCS et à définir pour SIMFER).
En fait, Rio Tinto est pris à son propre jeu. Avec cet accord, ils sont démasqués. Soit, ils réalisent, soit, leur mauvaise foi est au grand jour.
Il faut dire que, entre plusieurs actifs qu’elles détiennent, les compagnies minières préfèrent développer les mines se trouvant dans les pays qui accordent plus d’avantages fiscaux avec plus de stabilité politique et/ou qui exercent des fortes pressions sur elles de telle sorte qu’elles soient convaincues de perdre leurs actifs en cas de gel.
De même, les compagnies gèlent leurs actifs dans les pays connaissant peu de stabilité politique, qui leur accordent moins d’avantages fiscaux et/ou qui exercent peu de pressions sur elles.
Avec la présence d’un concurrent qui travaille effectivement sur le terrain, accompagné de la mise en place d’une association dans laquelle le rôle de chaque acteur est désormais connu, SIMFER se verra obligée d’agir au risque de perdre son actif sur SIMANDOU.
C’est d’ailleurs, le principal avantage de cet accord initié pour mettre pression sur WCS qui, avec l’avantage qu’elle a d’être sur le terrain, s’en sort plutôt bien. In fine, la présence de Rio Tinto en Guinée sans jamais développer ce riche gisement, à travers un gel, ayant causé du retard et du tort aux Guinéens, va certainement prendre fin avec cet accord complémentaire.
Pourquoi le Ministre Magassouba a ordonné l’arrêt des activités du Winning Consortium Simandou SAU ?
A travers la Décision numéro 07863 en date du dimanche, 03 juillet 2022, le Ministre des Mines et de la Géologie, Moussa MAGASSOUBA a urgemment ordonné l’arrêt immédiat des activités du Winning Consortium Simandou SAU sur l’ensemble du territoire national. Ceci, à compter du lundi, 04 juillet 2022 à 08h00.
Dans ladite Décision adressée à la directrice générale du Winning Consortium Simandou SAU, on peut lire ceci: « L’Etat guinéen constate avec regret, le manque de volonté manifeste de la part de vos deux sociétés à privilégier un partenariat gagnant-gagnant nécessaire au co-développement du Projet Simandou tel que consacré dans l’Accord Cadre signé le 25 mars 2022.«
Aussi, ‘’malgré les larges concessions que l’Etat guinéen a bien voulu faire’’, indique la décision, « force est de constater que le blocage continue d’être entretenu par vos deux sociétés respectives, au détriment de l’intérêt du Projet.«
Le délai supplémentaire de 14 jours octroyé n’a pas été mis à profit par les deux projets, relève la décision du Ministre Magassouba.
Un arrêt diversement interprété par de nombreux analystes qui pensent que le Ministre des Mines court un gros risque, notamment sur le fait d’avorter un Accord historique dans l’histoire du célèbre Simandou.
Pour d’autres, le Ministre Magassouba a tout intérêt de revoir sa copie pour éviter l’échec des projets miniers en Guinée.
N’est-pas que le cas Fria hante encore les esprits. Attention donc !
Makoura Camara et I. NDIAYE