Depuis plusieurs semaines, la société Ashapura Minex Resources est au cœur d’un scandale mêlant corruption, impayés fiscaux et contestations sociales. Cette affaire éclaire les pratiques opaques de certaines entreprises et met en lumière les tensions croissantes dans les zones minières, notamment à Télimélé, où une grève secoue l’entreprise.
Corruption et impôts impayés
Ashapura Minex Resources, une société opérant dans le secteur minier en Guinée, est accusée de graves irrégularités fiscales. Selon des documents révélés récemment, Ashapura devait initialement 802 milliards de francs guinéens (près de 90 millions de dollars) à la Direction Générale des Impôts (DGI). Cependant, dans des circonstances douteuses, cette dette a été réduite à 17 milliards de francs guinéens. Une réduction jugée illégale selon le Code général des impôts, qui stipule que toute remise de dette supérieure à 100 milliards de francs doit être approuvée par le ministre des Finances.
Des enquêtes préliminaires pointent du doigt des actes de corruption impliquant certains responsables de la DGI. Des sources internes rapportent que des documents auraient été falsifiés pour contourner la procédure légale. Ce scandale met en lumière des pratiques systématiques de dégrèvements irréguliers au profit d’entreprises minières, au détriment des finances publiques.
Conflit social à Télimélé
À Télimélé, les communautés locales, directement impactées par les activités d’Ashapura, ont entamé une grève pour dénoncer les manquements de l’entreprise à ses obligations sociales et environnementales. Parmi les revendications des grévistes figurent :
1. Respect des distances de sécurité entre les mines et les villages non délocalisés.
2. Reprofilage des routes communautaires, souvent rendues dangereuses par les convois miniers.
3. Amélioration des compensations financières pour les terres et cultures détruites.
4. Formation et embauche des jeunes locaux dans les entreprises opérant sur place.
5. Réhabilitation des cours d’eau et des sources détruites par les activités minières.
6. Transparence et équité dans la gestion des relations communautaires et des ressources humaines.
Les habitants reprochent également à l’entreprise son mépris pour l’environnement, la santé publique et le développement local, alors qu’elle réalise des profits considérables.
Un précédent juridique révélateur
Le Dr David Makongo, un ancien partenaire d’Ashapura, incarne une autre facette de ce scandale. Victime de ce qu’il qualifie de « corruption systémique » sous l’ancien régime, il a engagé des poursuites contre Ashapura pour abus de confiance et escroquerie. Bien qu’il ait obtenu deux victoires judiciaires retentissantes, les pratiques de corruption persistantes d’Ashapura continuent d’entraver ses efforts pour développer son projet de bauxite à Fako.
Enquête et volonté politique
Face à ces révélations, le gouvernement de transition dirigé par le Président Mamadi Doumbouya affirme son engagement à combattre la corruption. Les enquêtes en cours sur le scandale fiscal et les abus d’Ashapura pourraient s’étendre à d’autres acteurs, tant au sein de l’administration qu’en dehors.
Cependant, pour les communautés de Télimélé, les promesses de réformes ne suffisent pas. Elles demandent des mesures concrètes pour garantir que les retombées de l’exploitation minière profitent réellement aux populations locales et non à des intérêts privés corrompus.
Cette affaire, qui mêle corruption, justice et lutte sociale, pourrait devenir un test décisif pour la transition en Guinée. Le dénouement révèlera si la lutte contre l’impunité est réellement une priorité pour les autorités.