Ah, la tragédie ! Le scénario est presque parfait : un ex-ministre accusé à tort d’avoir subtilisé 150 millions de dollars américains sortis de l’imagination fertile d’un individu, Alexander Zotov pour ne pas le nommer, présenté au public comme un « investisseur », aimant visiblement balancer de gros montants comme des bonbons sucrés.
Le couac : aucune trace du moindre chèque, du moindre virement, de la moindre trace d’un quelconque paiement établi en faveur de sa cible. Le comble, comme l’a si bien souligné la défense d’Ahmed Kanté (voir article https://www.visionguinee.info/affaire-abc-contre-ahmed-kante-la-defense-demonte-largumentaire-du-russe-zotov/), l’ex ministre guinéen des Mines n’a entretenu avec le sieur Zotov aucun lien juridique ni avant ni après le 05 novembre 2018.
Mais « l’homme d’affaires » russe n’en a cure. Il s’est transformé subitement en héraut de la justice internationale, et quelques sites de désinformation qui, dans un élan de bravoure journalistique (ou de paresse intellectuelle ?), relaient sans broncher les lamentations d’un perdant. Nollywood n’aurait pas fait mieux.
Mais voilà, un élément a gâché ce chef-d’œuvre de fiction judiciaire : les faits. Et pire encore : la justice guinéenne.
Car pendant que certains confrères s’arrachent les cheveux à coups de « manipulations judiciaires », d’ »appel en cassation » et autres « contre-attaques », le Tribunal de Première Instance (TPI) de Kaloum, lui, a tranché : Ahmed Kanté est blanchi. Relaxé. Lavé de tout soupçon. Pas de zones grises, pas de demi-mesure. Une relaxe limpide, comme l’eau de source qu’aucune calomnie ne pourra troubler.
Mais alors, pourquoi cet acharnement ? Pourquoi cette rage à crier au scandale quand la justice parle ? Peut-être parce qu’il est plus difficile d’admettre une défaite judiciaire que d’inventer un complot.
Prenons le sieur Zotov. Ce dernier, manifestement nostalgique de son pouvoir magique « d’investir » sans traces concrètes, s’est découvert une passion soudaine pour les conférences de presse, où il crie à la « spoliation », à la « magouille », au « vol organisé ».
Et bien entendu, la justice guinéenne y est traînée dans la boue par ses corsaires de la plume qui prennent les Guinéens et les juges pour sots. Pourquoi ne l’a-t-il fait devant la TPI de Kaloum avec autant de vigueur ? Parce que là, on ne gagne pas avec des lamentations et des effets de manche. Il faut des preuves. Et visiblement, il en avait autant que la météo guinéenne a de flocons de neige en juillet.
Côté médias, certains se sont empressés de brandir un « appel en cassation » (excusez l’ignorance crasse et le style digne d’un mauvais élève d’école primaire !) comme si c’était une condamnation. Petit rappel pour les amateurs de raccourcis : faire appel ne renverse pas un verdict. C’est un droit, pas une preuve. Et c’est aussi, souvent, le dernier refuge de ceux qui refusent de tourner la page.
Et que dire de ces accusations de « manipulation judiciaire » ? C’est toujours fascinant comme ce terme surgit quand le jugement ne va pas dans le sens espéré. Quand la justice est favorable, elle est « courageuse ». Quand elle ne l’est pas, elle est « corrompue ». Un classique.
Ahmed Kanté, de son côté, ne s’est pas lancé dans une croisade victimaire. Il a laissé la justice faire son travail, avec confiance, sûr de son bon droit dans cette cabale cousue de fils blancs. Et aujourd’hui, il parle, calmement, fort de son innocence confirmée. Il aurait pu crier au complot, se draper dans une indignation spectaculaire. Il a préféré la dignité.
Alors oui, les faux procès médiatiques ont la peau dure. Ils sont nourris par des frustrations, des intérêts contrariés et une certaine paresse intellectuelle. Mais à un moment, il faut savoir rendre les armes pour préserver le peu d’honneur qui nous reste.
La justice a parlé. Elle a jugé sur les faits, pas sur les titres racoleurs.
Et si certains continuent de hurler à la manipulation, qu’ils prennent garde : à force de creuser leur tombe médiatique à coups d’articles biaisés, bourrés de fautes élémentaires et pathétiques dans leur manière d’empiler des faits imaginaires, ils finiront peut-être par y enterrer ce qu’il leur reste de crédibilité.
Aboubacar Soumah