Conakry, lundi 27 janvier 2025 – L’enceinte du Tribunal de Kaloum a été le théâtre d’un procès sous haute tension opposant Ahmed Kanté, ancien ministre des Mines et de la Géologie, à Alexis Zotof, entrepreneur minier et ex-dirigeant des sociétés Eurasian sarl et ABC.
Ce procès, qui soulève des interrogations sur la gestion des ressources minières en Guinée, a été reporté au lundi prochain. La cour a jugé nécessaire de donner aux parties l’opportunité de fournir des éléments supplémentaires afin d’éclaircir les accusations portées contre Ahmed Kanté.
Une accusation fragilisée par des incohérences
Dès le début de l’audience, Alexis Zotof a tenté de justifier ses accusations contre l’ancien ministre. Toutefois, son argumentaire s’est rapidement effondré face aux questions pointues de la défense. Incapable d’expliquer en quoi Ahmed Kanté serait responsable des difficultés financières de Eurasian et ABC, Zotof s’est embourbé dans des contradictions troublantes.
Parmi les incohérences relevées :
1. Absence de contrat liant ABC à Ahmed Kanté : Après avoir affirmé à plusieurs reprises qu’un contrat existait entre ABC et l’ancien ministre, Zotof a finalement reconnu qu’aucun document signé ne pouvait en attester.
2. Une confusion entre les entités juridiques : Zotof a admis que les sociétés Eurasian Resources, Eurasian Resources Mining et ABC étaient juridiquement distinctes et que, par conséquent, ses accusations de détournement manquaient de fondement.
3. ABC, une coquille vide : Créée en novembre 2018, la société ABC n’a jamais généré de revenus ni mené d’activités minières en Guinée. Son absence de licence, de permis ou même d’un siège social en fait une entité fantôme qui ne pouvait prétendre à un quelconque préjudice économique.
4. Des événements antérieurs à la création d’ABC : Fait troublant, plusieurs éléments invoqués par Zotof dans ses accusations se seraient déroulés avant même la fondation de ABC, soulevant ainsi des doutes sur la crédibilité des griefs avancés.
5. Un revirement sur la gestion d’Eurasian SARL : Zotof a également reconnu qu’il avait cédé 92 % des parts de Eurasian SARL à son co-associé Almas Minbaev, réduisant son rôle à celui d’un actionnaire minoritaire. Cette révélation jette une ombre sur sa prétendue légitimité à représenter la société devant la justice.
Face à ces contradictions, les avocats de la défense ont dénoncé une manœuvre visant à ternir l’image d’Ahmed Kanté et à détourner l’attention des véritables causes des échecs de Eurasian et ABC.
Des entreprises en faillite : une gestion mise en cause
L’un des points centraux du procès réside dans la gestion des sociétés dirigées par Zotof. Eurasian, après des années d’exploitation, n’a jamais réussi à extraire ni vendre une seule tonne de bauxite. Son impact économique et social sur les communautés locales s’est révélé quasi inexistant.
Quant à ABC, elle s’apparente davantage à une coquille vide. Sans titre minier, sans activité déclarée et absente du cadastre minier guinéen, la société a sombré à peine trois mois après sa création.
L’accusation portée contre Ahmed Kanté prend ainsi l’apparence d’une tentative de diversion. Pour les avocats de la défense, Zotof cherche à attribuer à l’ancien ministre la responsabilité d’échecs purement liés à sa propre gestion.
Une magistrature prudente et méthodique
Conscients des enjeux de cette affaire, les magistrats du Tribunal de Kaloum ont observé avec attention les débats. Leur attitude mesurée et méthodique témoigne d’une volonté de rendre un verdict fondé sur des preuves tangibles.
L’ajournement de l’audience au lundi prochain permettra d’approfondir l’examen des éléments présentés. La cour analysera notamment :
La légitimité de la plainte déposée par ABC,
La chronologie des faits reprochés,
L’implication réelle d’Ahmed Kanté dans la gestion des entreprises incriminées.
Un procès à fort enjeu pour la gouvernance minière
Au-delà du cas particulier d’Ahmed Kanté, ce procès soulève des questions cruciales sur la gouvernance et l’intégrité du secteur minier en Guinée. L’ancien ministre, reconnu pour sa lutte contre la corruption, se retrouve accusé par un entrepreneur dont la gestion controversée suscite bien des interrogations.
La justice guinéenne devra trancher avec discernement. La prochaine audience pourrait être déterminante pour établir la vérité et éviter qu’une accusation sans fondement ne vienne entacher la réputation d’un homme ayant œuvré pour la transparence dans le secteur minier.
En attendant, Ahmed Kanté reste serein. Convaincu que la vérité finira par triompher, il affirme sa confiance dans la justice de son pays.
Conakry attend désormais le verdict. Rendez-vous lundi prochain pour le dénouement de cette affaire sous haute tension.