Dans la ville de Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu, dans l’Est de la République démocratique du Congo, une jeune femme entrepreneure, Douce Namwezi, est à l’origine a d’une initiative qu’elle a appelée « Autour du feu ».
A la nuit tombée, des habitants de tout âge sont invités à se retrouver autour d’un grand feu pour témoigner de leur vécu durant les années de guerre mais aussi pour échanger sur les traditions propres à chaque tribu autour de sujets aussi variés tels que le mariage, la dot, où les traditions propres à chaque tribu.
Le Sud-Kivu, à l’instar d’autres provinces de l’Est de la République démocratique du Congo, a connu beaucoup de crimes et de massacres ayant touché les populations civiles. Parmi les plus emblématiques, il y a le massacre de Kasika dans le territoire de Mwenga le 24 août 1998 mais aussi le massacre de Makobola (territoire de Fizi) le 30 décembre 1998 ou encore le massacre de Kaniola (territoire de Walungu) le 10 octobre 2006.
A chaque fois des centaines voire des milliers de civils ont été tués dans des conditions effroyables avant d’être enterrés dans des fosses communes. Jusqu’à aujourd’hui, très peu de commémorations ont lieu en dehors de quelques initiatives locales ce qui rend le deuil des familles difficile et il n’existe que très peu de livres relatant ces graves faits commis sur le sol congolais.
Ne pas oublier le passé douloureux
Dans ce contexte, Douce Namwezi, a créé une association sans but lucratif appelée « Uwezo Afrika Initiative » avec l’objectif de mettre en œuvre différentes initiatives afin de ne pas oublier ce passé douloureux et permettre aux jeunes générations de connaître l’histoire de leur pays, aussi effroyable soit-elle et plus largement de mieux connaître leur culture.
Pour reprendre les mots de Douce Nyamwezi, le concept « Autour du feu » a comme objectif de collecter « les histoires positives et négatives qui ont marqué la région du Kivu dans le but de les mettre à la disposition des jeunes générations ».
Il ne s’agit pas de rouvrir les plaies du passé mais de permettre aux Congolais de raconter, d’écrire et de connaître leur histoire aussi tragique qu’elle soit pour que l’histoire ne se répète pas. « Autour du feu » c’est également « une occasion de se connecter avec les traditions et les habitudes ancestrales pour ne pas perdre nos repères dans un monde en plein modernisme », souligne-t-elle dans un entretien avec ONU Info.
Permettre aux vieux sages de raconter des histoires
A la question de savoir pourquoi ces échanges se font autour d’un grand feu, la jeune entrepreneure explique comment le concept est tiré « du temps de nos ancêtres où le feu – représentant la vie – ne s’éteignait jamais dans leurs villages ».
« Le feu était utilisé pour cuisiner, régler les conflits, se réchauffer mais aussi pour permettre aux vieux sages de raconter des histoires aux jeunes tout en partageant de la bière traditionnelle ou quelques épis de maïs ou de patates douces grillées », dit-elle.
« Notre initiative change certaines habitudes car auparavant il fallait louer une grande salle climatisée pour se réunir mais le succès de cette initiative montre une large adhésion des vieux, des jeunes et des enfants à se réunir autour du feu en plein air à la nuit tombée pour échanger. Et faire cela en milieu urbain c’est déjà une force », ajoute-t-elle.
Requiem pour la paix
Un autre projet de l’association « Uwezo Afrika Initiative » est le « Requiem pour la paix » créé pour répondre au besoin de devoir de mémoire et de justice exprimé par la population en rendant chaque année hommage aux victimes du massacre de Kaniola à travers notamment une chorale. Pour les familles endeuillées, c’est enfin l’occasion de pleurer leurs morts pour que ceux-ci ne soient pas oubliés.
Le 29 octobre 2021, le Requiem pour la paix s’est produit dans la capitale congolaise Kinshasa pour que les habitants de la capitale puissent rendre hommage à leurs compatriotes massacrés dans les multiples guerres qui ont touché en particulier l’Est du pays et dire non à la violence armée.
C’est dans ce contexte que le chœur de Kinshasa a interprété le Requiem de Mozart, une prière pour le repos des âmes. Chacun des morceaux sélectionnés a évoqué des thèmes tels que le deuil, le recueillement, la guerre, la tristesse, l’inquiétude mais aussi l’espoir et la lumière.
En dehors de ces activités, Douce Namwezi est aussi une femme entrepreneure. Elle et d’autres femmes de son organisation fabriquent des serviettes hygiéniques lavables. Cela permet aux jeunes filles et femmes qui n’ont pas beaucoup de moyens pour s’acheter des serviettes hygiéniques importées en raison de leur prix d’avoir une solution alternative.
Malgré les guerres et atrocités commises, les initiatives de Mme Douce Namwezi redonnent de la force et de l’espoir à ses concitoyennes et concitoyens.
Un reportage réalisé par Esther N’sapu, correspondante d’ONU Info en République démocratique du Congo.