Ces dernières années, la Guinée avait amorcé un virage stratégique dans le secteur minier, en favorisant l’intégration progressive d’opérateurs nationaux. Cette orientation politique, saluée par de nombreux observateurs, visait à faire émerger des champions guinéens capables de capter une part significative des revenus miniers et de renforcer la souveraineté économique du pays.
Mais cette dynamique est aujourd’hui fragilisée. Depuis le 9 mai 2025, plus de 140 titres miniers ont été retirés, y compris plusieurs permis actifs, suscitant de vives inquiétudes parmi les entrepreneurs locaux. Le coup est d’autant plus dur que bon nombre d’entre eux avaient investi des ressources importantes pour structurer leurs projets et contribuer à l’économie nationale.
« Nous avons mené une politique volontariste pour corriger l’absence des Guinéens dans un secteur aussi crucial pour notre économie », a confié un ancien haut cadre du ministère des Mines à Westaf Mining. Ce dernier rappelle les nombreux efforts déployés pour faciliter l’accès des nationaux aux permis miniers et créer des passerelles avec des partenaires techniques et financiers internationaux.
Parmi les bénéficiaires de cette stratégie figurent des figures bien connues du secteur minier guinéen. Ansoumane Kaba, dit Kaba Guiter, s’est vu attribuer un permis d’exploitation diamantifère. Thierno Madiou Barry, alias Barry Angola, pilote un projet ambitieux de raffinerie d’alumine estimé à 4 milliards de dollars via Kébo Energy. L’ancien ministre Ahmed Kanté dirige AGB2A-GIC, une société qui avait repris les permis amodiés Axis et GBT. Sony Doumbouya a consolidé sa position dans Kambia Mining (ex-AMR), et El Hadj Mamady Nabé a relancé la Société des Bauxites de Guinée (SBG) à travers sa société Taressa Mining.
Le retrait des permis n’a pas épargné ces structures. AGB2A-GIC, par exemple, avait pourtant surmonté un lourd passif de 28 millions USD hérité de SD Mining. En 2024, elle avait produit 7,5 millions de tonnes de bauxite et visait entre 15 et 18 millions de tonnes pour 2025. Ahmed Kanté avait même proposé à l’État de reprendre la gestion du permis d’Axis, promettant 50 millions USD de recettes annuelles pour le Trésor public.
Du côté de la SBG, les efforts de relance étaient également tangibles. Depuis décembre 2024, El Hadj Nabé avait engagé des investissements pour remettre l’entreprise en marche : paiement de salaires, remise en service des équipements, relance de la production. Près de 620 000 tonnes de bauxite étaient prêtes à l’exportation.
Dans ce contexte, la réorganisation du cadastre minier, si elle peut répondre à des impératifs de transparence et d’efficacité, soulève des interrogations majeures. Car retirer indistinctement des permis, y compris à ceux qui ont fait preuve de sérieux et d’engagement, revient à compromettre des années de politique publique en faveur du contenu local.
Les autorités guinéennes sont donc face à un défi de taille : réattribuer les permis de manière stratégique, dans un cadre rigoureux, équitable et transparent. Il en va de la crédibilité de l’État, de la confiance des investisseurs et, surtout, de l’avenir d’une élite entrepreneuriale locale qui commence à peine à se structurer.
Source initiale : Westaf Mining