Je suis en séjour à Kindia, capitale de la Guinée maritime, et j’en profite pour sillonner les cafés et restaurants de la place afin de suivre les débats sur la 79ᵉ session de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies. De Sarakhoulenyah à Manquepas, les observateurs de la scène internationale expriment leurs idées sur plusieurs sujets d’actualité. Parmi les sujets débattus, les discours des ministres des Affaires étrangères de la Russie et de la Chine ont fait l’objet de nombreux commentaires.
Le discours de Sergueï Lavrov a particulièrement retenu l’attention, car il a pointé du doigt la géostratégie néocoloniale des États-Unis et de leurs alliés occidentaux. Il a abordé plusieurs thèmes dans son discours, notamment : « l’agression armée de la Géorgie contre l’Ossétie du Sud, la destruction et la déstabilisation de la Libye avec l’assassinat de Mouammar Kadhafi qui a ouvert les portes au terrorisme dans la région sahélo-saharienne, l’embargo commercial contre Cuba depuis plus de trois décennies, la mise en place d’un État palestinien indépendant, le sabotage des processus liés à une paix durable au Kosovo et en Bosnie-Herzégovine, ainsi que l’origine de la création de groupes terroristes tels qu’Al-Qaïda, l’État islamique, et le Front al-Nosra… » Fin de citation.
Ces propos de Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, ont suscité des débats houleux, où chacun, en tenant compte des réalités du continent africain, a fait son propre décryptage.
Un grand nombre d’observateurs ont reproché aux grandes puissances du monde leur hypocrisie, leur inaction et leurs contradictions, car elles se proclament défenseurs de la paix tout en restant inactives face à des conflits.
Voici une analyse plus détaillée de ces reproches :
Hypocrisie : Certains expliquent cette hypocrisie par le fait que ces États affichent publiquement un engagement pour la paix tout en ne prenant pas les mesures concrètes nécessaires. Cette dissonance entre les discours et les actes est perçue comme une forme de tromperie par l’opinion publique africaine.
Inaction : Le reproche d’inaction est particulièrement pertinent lorsque ces États disposent des moyens financiers et militaires pour intervenir, mais choisissent de ne pas agir. Ils sont alors accusés de laisser perdurer des souffrances inutiles et de ne pas assumer leurs responsabilités au sein de la communauté internationale.
Contradiction : Le fait de se proclamer défenseur de la paix tout en étant impliqué dans des conflits ou en entretenant des relations avec des régimes autoritaires constitue une contradiction flagrante. Cela remet en question la sincérité de leurs intentions et leur crédibilité en tant que promoteurs de la paix.
En s’exprimant sur ces points, on sent chez ces observateurs une sorte de révolte contre toutes les souffrances que subit l’Afrique, malgré l’aide apportée par certains États, dont la Russie.
Le discours de Wang Yi, ministre des Affaires étrangères de la République populaire de Chine, a également fait l’objet de débats, notamment au café « Amara Fahardo », où deux débatteurs ont failli en venir aux mains, ce qui démontre l’importance qu’accordent les Africains à cette 79ᵉ session de l’Assemblée générale des Nations unies. Le discours de Wang Yi portait, entre autres, sur : « la paix en Ukraine, veillant à ne pas étendre ni escalader les combats, le conflit persistant à Gaza avec son lot de victimes, la situation au Liban où la force remplace la justice, l’admission de la Palestine comme membre à part entière de l’ONU, la résolution du différend dans la péninsule coréenne par le dialogue, l’immixtion en Asie des pays extérieurs à la région, la levée de l’embargo imposé à Cuba, et la création des Groupes Amis pour la paix, notamment par le Brésil et la Chine… ». Ce discours a également été analysé par les observateurs, qui ont chacun donné leurs impressions sur son contenu.
D’autres reproches ont également été formulés :
Certains débatteurs accusent ces grandes puissances de privilégier leurs intérêts nationaux au détriment de la paix mondiale. Leur choix de ne pas intervenir peut être interprété comme une forme de lâcheté, notamment lorsque les risques encourus sont jugés faibles par rapport aux enjeux humanitaires. Ces États sont souvent accusés d’appliquer des critères différents selon les conflits, en intervenant dans certains cas et en restant inactifs dans d’autres.
Les raisons de cette inaction sont multiples et complexes selon d’autres observateurs. Les considérations économiques peuvent influencer les décisions politiques, notamment lorsqu’il s’agit de s’engager dans des conflits qui pourraient nuire aux intérêts commerciaux d’un pays. Les dirigeants peuvent hésiter à intervenir par crainte de représailles, de déstabilisation régionale ou de perte de popularité. L’absence de consensus au sein de la communauté internationale peut également paralyser l’action et rendre difficile la mise en œuvre d’interventions militaires ou humanitaires.
En conclusion, en tenant compte de ce qui se passe au sein des Nations unies et du fonctionnement du Conseil de sécurité, le reproche d’hypocrisie adressé aux États qui se disent défenseurs de la paix repose sur un constat d’inaction face à des conflits qui pourraient être résolus grâce aux moyens dont disposent ces États. Cette situation soulève de nombreuses questions sur la sincérité des engagements pris en faveur de la paix et sur la responsabilité de la communauté internationale face aux souffrances humaines.
Oumar Lalmas Diabaté
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