Dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) en proie aux conflits armés, les membres de l’armée nationale ont investi les locaux de deux radios communautaires pour y ériger des positions militaires en l’espace d’une semaine. Reporters sans frontières (RSF) condamne ces prises d’otages empêchant les journalistes de travailler, et appelle les autorités à protéger d’urgence les médias locaux.
Silence radio sur les ondes de la Radio communautaire et environnementale de Kanyabayonga (RCEKA-FM) depuis le samedi 1er juin. Ce jour-là, les militaires des Forces armées de la RDC (FARDC) ont fait irruption dans ses locaux situés dans le territoire de Lubero au Nord-Kivu, à l’est du pays, zone de conflit entre les militaires et les rebelles du M23. Les journalistes présents ont tous pris la fuite, laissant la radio, située sur une colline, aux mains des militaires venus l’occuper pour des raisons stratégiques. Ils craignent désormais que les bombardements atteignent ces installations et détruisent les équipements de la radio. Le 10 juin, des explosifs ont déjà endommagé une partie du pylône radio.
Les locaux d’une autre radio communautaire située sur une colline à Lubero, la Radio Maendeleo Kaseghe, ont également été investis, le 2 juin, par des militaires de l’armée nationale. Les affrontements entre les miliciens et les membres de l’armée nationale ont largement exposé les journalistes, pris entre deux feux. “Nos équipements ont été endommagés durant cette attaque où les journalistes ont échappé de peu à la mort”, déplore le directeur de la radio, Bienvenu Sengemoja Muhindo, contraint de décider d’arrêter ses émissions et de fuir Lubero avec ses collègues.
“Les radios communautaires animées par les journalistes locaux sont un moyen d’information précieux, particulièrement dans les zones de guerre. Leur prise en otage par les militaires, les piégeant sous le feu de la guerre, empêche les journalistes de faire leur travail et prive des dizaines de milliers d’habitants de leur droit à l’information. Il s’agit d’une grave atteinte à la liberté de la presse à laquelle les autorités congolaises doivent réagir urgemment afin que l’information libre ne disparaisse pas dans l’est de la RDC.”
Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF
Le ciblage des médias locaux que sont les radios communautaires n’est pas un phénomène nouveau. Leurs journalistes sont des victimes directes du conflit entre les FARDC et les rebelles du M23 dans les provinces du Nord-Kivu. Depuis février, la Radio Communautaire Sake également située au sommet d’une colline au Nord-Kivu est, elle aussi, occupée par des soldats – les FARDC et des miliciens “wazalendo”, une coalition évoluant aux côtés de l’armée congolaise – qui ont pillé les équipements, forçant le personnel à fuir vers Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu.
Le 3 février 2023, des rebelles ont pillé les locaux de la radio Bashali, située dans la localité du même nom. Il s’agissait de la deuxième attaque après celle, en juin 2022, contre la station La Voix de Mikeno à Bunagana, dans la même région, également pillée et saccagée par les rebelles armés. En juillet 2023, les rebelles du M23 avaient ordonné aux directeurs des radios de suspendre, pendant deux mois, une émission très suivie dans le pays. Des membres du M23 se sont plusieurs fois rendus dans les locaux des radios produisant ou diffusant l’émission afin de les menacer et de les intimider.
La RDC occupe le 123e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024.