Conakry, Guinée – Une double onde de choc ébranle à la fois la scène économique internationale et le secteur minier guinéen. La Principauté de Monaco est en passe d’être inscrite sur la « liste noire » de l’Union européenne des juridictions à haut risque en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. L’information, révélée par La Lettre et confirmée par BFMTV Économie le 7 juin dernier, marque un tournant dans la perception des mécanismes de contrôle financiers monégasques, jugés insuffisants malgré des réformes récentes.
Déjà placée sous « surveillance renforcée » par le Groupe d’action financière (GAFI) depuis un an, Monaco avait entrepris une refonte de sa législation et mis en place l’Autorité monégasque de sécurité financière (AMSF) en septembre 2023. En vain : Bruxelles pointe toujours l’inefficacité des dispositifs, renforçant les contrôles sur les flux financiers provenant de la principauté.
Le cas MRG/Sonel : des ramifications inquiétantes en Guinée
Cette décision européenne braque les projecteurs sur des entreprises étroitement liées à Monaco, notamment le Monaco Resources Group (MRG), un conglomérat actif dans les secteurs des mines et de la logistique sur le continent africain. Le groupe aurait récemment changé de nom pour devenir « Sonel », un acronyme issu des prénoms des enfants du couple dirigeant Axel Valentin Fischer et Pascale Younes. Un changement qui, selon certaines sources, viserait à brouiller les pistes et dissimuler des actifs, notamment sur le territoire monégasque.
En Guinée, les répercussions sont immédiates. La Société des Bauxites de Guinée (SBG), ancienne filiale clé de MRG, vient de perdre son permis minier, une décision motivée par un historique de litiges civils et pénaux. Cette révocation marque une rupture majeure, révélant des années de préoccupations latentes sur la gouvernance et les pratiques du groupe.
Antécédents judiciaires et manœuvres opaques
Le passé trouble d’Axel Fischer, cofondateur de MRG, vient alourdir le dossier. Condamné en Allemagne pour fraude fiscale, évasion et manipulation de capital, Fischer aurait cherché à effacer ces antécédents en modifiant son identité et la structure juridique de son groupe. Des pratiques qui interrogent sur l’éthique des opérations menées, y compris en Guinée.
Dès 2015, le groupe a été conseillé localement par le Cabinet Sylla & Partners, notamment lors de la négociation de la convention minière de SBG. Des liens qui, selon certaines enquêtes, se sont noués dans un climat d’opacité préoccupant.
Transaction douteuse et déficit de régulation
Par ailleurs, des informations font état de la prise de contrôle de SBG par un certain « Nabe », via une transaction effectuée au Luxembourg. Cette opération, encore mal documentée, soulève de sérieuses inquiétudes : non-paiement présumé d’impôts, exportations illicites de bauxite et absence de redevances versées à l’État guinéen. La diligence des autorités luxembourgeoises est également remise en cause, face à des mouvements de capitaux jugés suspects.
La situation s’aggrave avec la mise en concordat amiable de SBG, déclenchée en raison de son insolvabilité. Ce redressement judiciaire serait, selon plusieurs sources, fondé sur des déclarations erronées relatives aux créanciers et débiteurs de la société, renforçant les soupçons de manipulation.
Opacité comptable et structure d’actionnariat
De nombreux rapports européens pointent également des irrégularités dans la gestion comptable du groupe MRG/Sonel. Certains auditeurs évoquent l’intégration de résultats non audités, notamment d’une filiale congolaise, dans les bilans consolidés du groupe. L’indépendance des organes de contrôle interne est, elle aussi, mise en doute.
Le groupe serait structuré autour d’une holding chypriote, aux bénéficiaires économiques ultimes inconnus, avec des transferts financiers vers des sociétés panaméennes servant à apurer ses dettes. Cette opacité systémique renforce les suspicions de pratiques illicites.
Une alerte pour la Guinée
Dans ce contexte, la révocation du permis minier de la SBG s’inscrit comme un signal fort de l’État guinéen, qui cherche à renforcer la transparence et l’éthique dans un secteur minier stratégique. Alors que la Guinée aspire à attirer des investissements responsables, les révélations successives autour de Monaco Resources Group/Sonel, les transactions opaques au Luxembourg, les procédures judiciaires douteuses et les irrégularités fiscales appellent à une vigilance accrue.
Les autorités guinéennes doivent désormais affirmer leur rôle de gardien des ressources nationales, en exigeant le respect strict des normes internationales en matière de transparence financière, de gouvernance et de lutte contre le blanchiment d’argent. La stabilité et la réputation du secteur minier guinéen en dépendent.