La crise financière qui menace les pays en développement peut être évitée, si les prêteurs internationaux acceptent des réformes radicales telles qu’un « plafonnement de la dette », a alerté jeudi une agence de l’ONU, préconisant des réformes de l’architecture de la dette mondiale dans un contexte de surendettement croissant.
Près de 3,3 milliards de personnes, soit près de la moitié de l’humanité, vivent aujourd’hui dans des pays qui consacrent plus d’argent au paiement des intérêts de leur dette qu’à l’éducation ou à la santé.
La Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED) a ainsi lancé un appel urgent à réformer l’architecture de la dette mondiale afin d’éviter une crise généralisée de la dette dans les pays en développement, et présenter une série de recommandations visant à réaligner l’architecture de la dette mondiale sur les besoins de ces pays.
L’explosion des coûts du service de la dette
Les pays à faible revenu consacrent plus de 20 % de leurs recettes d’exportation au remboursement de leur dette extérieure
En effet, dans le sillage de la pandémie de Covid-19, la dette souveraine extérieure des pays en développement – les fonds empruntés en devises étrangères – a augmenté de 15,7 % pour atteindre 11.400 milliards de dollars fin 2022. La diversité des prêteurs comme des instruments financiers complique encore l’augmentation des niveaux d’endettement.
L’explosion des coûts du service de la dette est tout aussi alarmante. Les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure – également appelés « marchés frontières » – et qui ont emprunté lorsque les taux d’intérêt étaient bas et les investisseurs enthousiastes, consacrent aujourd’hui environ 23 % et 13 % de leurs recettes d’exportation, respectivement, au remboursement de leur dette extérieure.
« Cette situation est clairement insoutenable », a déploré la cheffe du service des politiques macroéconomiques et de développement à la CNUCED, Anastasia Nesvetailova.
« Alors qu’une crise systémique de la dette se profile à l’horizon, dans laquelle un nombre croissant de pays en développement passent de la détresse au défaut de paiement, une crise du développement est déjà en cours », a-t-elle précisé.
Une approche de la dette centrée sur le développement
Selon la CNUCED, la crise liée à la croissance de la dette ne découle pas seulement de la vague d’endettement qui a suivi la crise financière mondiale de 2008 ou des crises en cascade depuis la pandémie et du resserrement monétaire dans les pays développés. Les principales causes résident dans les failles structurelles de l’architecture mondiale de la dette souveraine, « qui offre un soutien inadéquat et tardif aux pays en situation de surendettement ».
Selon la CNUCED, une approche de la dette axée sur le développement est nécessaire. Celle-ci repose sur un cycle de vie de la dette souveraine en cinq étapes comme cadre conceptuel pour analyser et améliorer l’architecture de la dette mondiale. Ces étapes comprennent l’endettement, l’émission d’instruments d’endettement, tels que les obligations et les prêts, la gestion de la dette, le suivi de la viabilité de la dette et, si nécessaire, la restructuration ou la renégociation des conditions de la dette.
« Nous appelons à une réflexion nouvelle et créative à tous les stades du cycle de la dette, ainsi qu’à de nouvelles approches pour combler le fossé persistant entre les solutions statutaires et contractuelles », a déclaré la cheffe du service de la dette et du financement du développement de la CNUCED, Penelope Hawkins.
Pour la mise en place d’une autorité mondiale de la dette
L’une des principales recommandations est d’augmenter les prêts concessionnels – caractérisés par des taux d’intérêt plus bas et des délais de remboursement plus longs – et les subventions. Cela pourrait se faire en augmentant le capital de base des banques multilatérales et régionales afin d’accroître leur capacité de prêt. Un autre moyen d’obtenir des financements concessionnels consiste à émettre des droits de tirage spéciaux (DTS), un type de monnaie internationale émis par le FMI.
D’autres recommandations portent sur l’élargissement de l’accès des pays en développement aux devises étrangères par l’intermédiaire des banques centrales.
« Une plus grande utilisation des clauses contingentes dans les contrats est nécessaire pour les pays qui subissent des chocs climatiques ou d’autres chocs externes », déclare Mme Hawkins.
Le rapport indique également que l’architecture de la dette mondiale nécessite des règles bien articulées pour permettre des restructurations automatiques et un meilleur filet de sécurité financier mondial.
Enfin, il souligne qu’il est urgent de commencer à travailler à la mise en place d’une autorité mondiale de la dette chargée de coordonner et de guider les restructurations de la dette souveraine.
« Il faut agir maintenant », a conclu Mme Hawkins, relevant que « le coût de l’inaction est trop élevé ».