La digitalisation de la fiscalité représente un enjeu majeur pour les entreprises à l’échelle mondiale. Les nouvelles normes internationales obligent les entreprises opérant dans plusieurs pays à faire preuve d’une transparence totale auprès des administrations fiscales. Elles doivent démontrer que les impôts payés correspondent aux taux en vigueur dans les pays où elles exercent. Cela nécessite une transmission plus précise et détaillée de leurs données fiscales, un processus souvent compliqué par un manque d’outils techniques adéquats.
Dans de nombreuses entreprises, la gestion des données fiscales reste manuelle et décentralisée, un retard qui freine la modernisation de la fonction fiscale. Cependant, des solutions existent. Des algorithmes avancés permettent aujourd’hui de prendre en compte instantanément toutes les règles fiscales applicables dans n’importe quel pays. Malheureusement, ces outils peinent à se généraliser en France et dans plusieurs autres pays, malgré leur adoption par de nombreuses entreprises anglo-saxonnes. L’un des principaux avantages de la digitalisation de la fiscalité est la réduction des litiges avec les administrations fiscales, un enjeu majeur face aux milliards d’euros d’amendes que subissent les entreprises chaque année.
Un retard préoccupant en Guinée
En Guinée, la digitalisation de l’administration fiscale fait face à de nombreux défis. Lors d’une journée d’études sur la loi de finances 2020, des experts et des représentants de la Direction Générale des Impôts (DGI) ont souligné l’importance de la dématérialisation des procédures fiscales. Malgré la volonté affichée de moderniser le système, la mise en œuvre reste laborieuse. Les services tels que l’attestation d’exonération et d’autres procédures fiscales sont encore loin d’être pleinement digitalisés.
En dépit des efforts pour améliorer l’efficacité du recouvrement des impôts et offrir des services de qualité, seuls 23 % des démarches fiscales en ligne sont complètement dématérialisées en Guinée, selon une étude du ministère des Finances. Ce chiffre est en décalage avec les ambitions de modernisation numérique du pays et reflète un retard par rapport à d’autres administrations ouest-africaines, comme celle du Sénégal.
Des infrastructures et des compétences limitées
Un des obstacles majeurs à la digitalisation de l’administration fiscale guinéenne réside dans l’insuffisance des infrastructures et des compétences techniques. L’accès à Internet est encore limité, même au sein des services centraux de la DGI à Conakry, où seuls quelques responsables sont connectés. En région, la situation est encore plus critique, avec des services totalement déconnectés, rendant le travail des agents de fisc difficile, notamment en ce qui concerne la lutte contre la fraude.
Pour réussir cette transformation digitale, il est indispensable de renforcer les équipes informatiques, d’investir dans des infrastructures de qualité, et de moderniser le système de gestion des données. La DGI doit également s’assurer que les agents sont formés aux nouvelles technologies afin d’optimiser l’usage des outils digitaux pour la collecte et l’analyse des données fiscales.
Vers une fiscalité numérique plus compétitive
La crise sanitaire du Covid-19 a démontré l’importance de la transformation digitale dans de nombreux secteurs. Toutefois, les pays plus avancés dans ce domaine ont montré une meilleure résilience face aux perturbations économiques. En Guinée, la digitalisation de la fiscalité ne constitue pas seulement un impératif technologique, mais un levier de compétitivité. Elle permettrait non seulement de simplifier les procédures fiscales, mais aussi d’améliorer la transparence et d’accroître les recettes publiques.
Le chantier est immense, mais il est crucial pour que la Guinée puisse bénéficier pleinement des avantages offerts par la révolution numérique. Une administration fiscale modernisée et digitalisée contribuera à renforcer la confiance des entreprises et des citoyens dans le système fiscal, tout en réduisant les litiges et en optimisant la collecte des impôts.
Dr BAH Aliou, Inspecteur Principal des Impôts