La fiscalité indirecte, notamment à travers la TVA, exerce une pression significative sur les entreprises du secteur commercial, particulièrement celles impliquées dans la transformation et l’exportation de produits agricoles. Bien que les produits agricoles exportés après transformation soient en principe soumis à un taux zéro de TVA, les difficultés financières que rencontrent de nombreux États conduisent à des retards dans le remboursement de cette taxe. Ainsi, les créances de TVA non remboursées deviennent une charge supplémentaire pour les entreprises, charge qu’elles finissent par répercuter sur les producteurs.
Cette situation affecte principalement les produits agricoles transformés industriellement avant exportation, tels que le coton, le tabac ou le thé, secteurs fortement consommateurs d’intrants soumis à la TVA. Par exemple, au cours de la campagne cotonnière 1997/98, les créances de TVA accumulées par la société cotonnière d’Afrique centrale atteignaient 800 millions de francs CFA, soit environ 4 % du prix de vente CAF du coton fibre. Cela montre l’ampleur du fardeau financier que supportent ces entreprises et, par extension, les producteurs agricoles.
De plus, dans certains pays, notamment en Afrique francophone, les producteurs de cultures d’exportation, comme le coton, se retrouvent à financer indirectement des missions de service public. Les sociétés de commerce, qui soutiennent ces producteurs, sont souvent sollicitées pour financer des opérations de développement rural dans les domaines de la santé, de l’éducation ou des infrastructures. Cette obligation est assimilable à une forme de fiscalité déguisée, faisant supporter aux seuls producteurs de cultures de rente le financement de services publics. Ce système, qui va à l’encontre des principes d’équité et d’efficacité en matière de dépenses publiques, tend toutefois à disparaître avec l’instauration d’un financement spécifique de l’État pour ces activités.
Par ailleurs, les produits agricoles destinés au marché local, comme les filatures ou les huileries, sont généralement vendus à un prix inférieur au prix mondial de référence afin de soutenir les industries nationales de substitution aux importations. Cette pratique impose aux agriculteurs de supporter indirectement le poids des subventions accordées à ces industries, ce qui entraîne une perte d’efficience économique.
Historiquement, les prélèvements fiscaux sur les exportations agricoles sont devenus une source majeure de financement pour les États, surtout pendant le boom des matières premières des années 1970. Ces prélèvements restent aujourd’hui un pilier important du dispositif fiscal de nombreux pays africains. Cependant, seuls des pays jouissant d’une position dominante sur le marché mondial, comme la Côte d’Ivoire avec le cacao, peuvent transférer une partie de la charge fiscale aux consommateurs étrangers. Les producteurs, eux, supportent l’autre partie de cette charge.
Dans la majorité des cas, pour les pays africains qui n’ont pas de pouvoir de marché, les taxes à l’exportation créent un désavantage pour les cultures concernées et génèrent une perte de bien-être pour l’économie nationale. La baisse des prix agricoles, causée par la demande locale, n’est pas suffisante pour compenser les pertes subies par les producteurs, malgré les recettes fiscales collectées par l’État.
Enfin, l’inefficacité de ces taxes sur les exportations agricoles est exacerbée par leur base étroite. En effet, les ventes intérieures des produits agricoles sont souvent exonérées d’impôts, et la charge fiscale est concentrée sur un nombre limité de cultures d’exportation qui sont fortement imposées.
Dr BAH ALIOU, Inspecteur Principal des Impôts