Antony J. Blinken, secrétaire d’État
Quai d’Orsay, Paris, France
Le 2 avril 2024
Allocution
MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : (En français) : Je suis vraiment ravi, comme toujours, de me retrouver à Paris, et je tiens, Stéphane, à te remercier pour cet accueil si chaleureux et une conversation importante et, je crois, très constructive. Si tu me permets, je vais continuer en anglais pour mes collègues.
(En anglais) Et comme je viens de le dire, c’est toujours un plaisir de revenir à Paris. Mais je tenais surtout à remercier mon collègue et ami, Stéphane, pour son accueil extrêmement chaleureux, mais aussi pour la qualité de la conversation que nous avons eue. Il a évoqué la plupart des sujets dont nous avons discuté ; permettez-moi d’ajouter quelques points importants.
En ce qui concerne l’Ukraine, nous avons discuté de la nécessité absolue de poursuivre le soutien à l’Ukraine afin qu’elle puisse se défendre efficacement contre l’agression russe en cours. Cela concerne la situation actuelle. Mais il faut aussi faire en sorte, par le biais de nos efforts, d’aider l’Ukraine à construire une armée robuste pour l’avenir, à attirer des investissements du secteur privé pour qu’elle développe son économie, et à continuer de renforcer sa démocratie — en particulier en progressant vers son adhésion à l’UE — et veiller ainsi à ce que l’Ukraine devienne forte et autonome, militairement, économiquement et démocratiquement. Il s’agit de la meilleure réponse à l’agression de Poutine.
La France a été un chef de file remarquable en ce sens, à la fois veillant à ce que l’Ukraine dispose de ce dont elle a besoin pour se défendre, et s’employant à la préparer pour le long terme. Elle a joué un rôle de premier plan dans le partage de la charge — son aide militaire et économique à l’Ukraine se chiffre en milliards — mais aussi dans la mobilisation d’autres pays, s’appuyant sur son leadership pour en inciter d’autres à la rejoindre. Nous constatons également ce leadership dans la mise en œuvre des sanctions et des contrôles des exportations destinés à limiter la machine de guerre de Poutine. Nous travaillons sans relâche pour empêcher le transfert d’armes et de matériels à la Russie qui alimentent sa machine de guerre et sa base industrielle de défense, notamment en provenance de l’Iran, de la Corée du Nord et de la Chine — un point que nous avons abordé aujourd’hui.
Il s’agit non seulement d’une menace pour l’Ukraine, mais aussi d’une menace pour la sécurité européenne dans son ensemble. La France et l’ensemble des pays européens ont donc tout intérêt à faire tout leur possible pour empêcher le renforcement en cours de la machine de guerre russe. En outre, l’un de nos défis communs consiste en partie à faire en sorte que nous poursuivions la construction et la dynamisation de notre base industrielle de défense. Ce matin, j’ai eu l’occasion de visiter une usine de production de munitions. Ces munitions — les munitions françaises, les munitions américaines, les munitions venant d’autres parties de l’Europe et bien au-delà — sont absolument essentielles à la capacité de l’Ukraine à résister à l’attaque russe. Nous devons construire une base industrielle de défense alliée plus solide, apte à relever les défis d’aujourd’hui, mais aussi ceux de demain.
C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles il est crucial que le Congrès des États-Unis adopte la demande de budget supplémentaire du président Biden dès que possible, c’est-à-dire au retour de vacances du Congrès. Cela permettrait de booster notre base industrielle de défense tout en créant de bons emplois aux États-Unis.
Comme l’a dit Stéphane, nous avons également consacré du temps à discuter du Moyen-Orient. Nous sommes reconnaissants à la France de l’avoir comme partenaire face à la crise au Moyen-Orient, et nous nous efforçons ensemble d’empêcher que le conflit de Gaza ne s’étende à d’autres parties de la région. Nous sommes tous deux d’accord sur la nécessité de parvenir à un cessez-le-feu le plus rapidement possible, afin de permettre la libération des otages et d’accroître fortement et de maintenir l’aide humanitaire.
Comme je l’ai mentionné, nous travaillons en étroite coordination en ce qui concerne le Liban et nous essayons d’empêcher toute extension du conflit dans ce pays, en trouvant une voie diplomatique à suivre. Nous coopérons également pour créer une voie vers une paix plus durable, avec des garanties de sécurité et des garanties politiques tant pour les Israéliens que les Palestiniens.
Permettez-moi également de répéter ce qu’a dit Stéphane à propos de l’attaque contre les membres de World Food Kitchen – de World Central Kitchen, pardon. Je dois vous dire que nous sommes nombreux à compatir à la douleur des proches, des familles, des amis, des collègues de ceux qui ont perdu la vie et de ceux qui ont été blessés. Il y a toute juste une semaine, je parlais à José Andrés des efforts que déploient les volontaires de World Central Kitchen à Gaza, comme dans de nombreuses autres zones de conflit dans le monde, y compris en Ukraine. Ils font un travail extraordinaire et courageux, jour après jour, et un travail critique pour essayer de faire en sorte que les personnes nécessiteuses aient accès à ce dont elles ont besoin, en commençant par la chose la plus élémentaire qui soit – de la nourriture pour survivre.
Les victimes de la frappe d’hier viennent grossir encore le nombre déjà sans précédent de travailleurs humanitaires tués dans ce conflit. Ces gens sont des héros. Ils courent vers le danger, ils ne l’esquivent pas. Ils montrent ce que l’humanité a de mieux à offrir dans les moments les plus difficiles. Il faut les protéger. On ne devrait pas se retrouver dans une situation où des gens qui essaient simplement d’aider leurs semblables s’exposent eux-mêmes à un grave danger.
Nous avons discuté de ces faits directement avec le gouvernement israélien. Nous avons insisté pour qu’une enquête approfondie et impartiale soit menée sans tarder afin de comprendre exactement ce qui s’est passé. Et comme nous l’avons fait tout au long de ce conflit, nous avons insisté auprès des Israéliens sur la nécessité impérieuse de faire davantage pour protéger les vies civiles innocentes, qu’il s’agisse d’enfants, de femmes et d’hommes palestiniens ou de travailleurs humanitaires, ainsi que pour acheminer plus efficacement l’aide humanitaire à un plus grand nombre de personnes.
Ensemble, nous nous efforçons également de garantir un espace indopacifique libre et ouvert. Autrement dit, une région où les pays sont libres de tracer eux-mêmes leur voie et de choisir eux-mêmes leurs partenaires ; où les problèmes sont traités ouvertement ; où les règles sont établies de manière transparente et appliquées équitablement ; où les biens, les idées et les personnes circulent librement et dans le respect de la loi. Nous sommes fiers d’être des partenaires du sommet de Paris sur le climat, et notamment des efforts conjoints visant à faire progresser l’énergie nucléaire civile en tant que solution plus verte.
Enfin, je voudrais dire à quel point nous sommes reconnaissants au président Macron de son leadership de longue date sur certaines des questions les plus importantes et les plus brûlantes du moment ; par exemple, toutes les questions liées au cyberespace, au rassemblement des gouvernements, du secteur privé et de la société civile autour de règles de conduite qui reflètent nos valeurs communes et nos intérêts partagés.
Il me semble donc tout à fait pertinent de célébrer deux anniversaires importants cette année – le 80e anniversaire de la Libération auquel Stéphane a fait allusion, ainsi que le 75e anniversaire de l’OTAN, l’Alliance – l’alliance défensive – qui nous unit. En fait, le 80e anniversaire de la Libération nous rappelle ce qui nous a poussé, quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, à nous regrouper au sein de cette alliance défensive afin de veiller à ce qu’une chose comme la Seconde Guerre mondiale ne se reproduise jamais et de faire clairement comprendre que les pays de l’espace transatlantique veillent les uns sur les autres, se soutiennent mutuellement et, ce faisant, réduisent la probabilité d’une agression.
Il va donc se passer beaucoup de choses dans les semaines et les mois à venir, indépendamment des défis auxquels nous devons faire face en ce moment. Et je me réjouis à la perspective de revenir en France pour ces occasions.
Je vous remercie.