Les Nations Unies contribuent à faire en sorte que les pays en développement bénéficient d’une énergie propre. À Madagascar, une initiative prometteuse montre que l’électrification propre peut changer des vies.
La technologie existe déjà pour fournir de l’énergie propre aux communautés rurales des pays en développement qui n’ont jamais eu accès à l’électricité. Toutefois, comme l’explique Moritz Brauchle, Directeur général d’Africa GreenTec Madagascar, ces pays continueront à avoir besoin d’aide pour tourner le dos aux combustibles fossiles.
Africa GreenTec est une entreprise sociale qui fournit des solutions énergétiques durables à une partie des 600 millions de personnes d’Afrique subsaharienne qui vivent actuellement sans accès à l’électricité.
Avec le soutien de l’ONU, l’entreprise installe des mini-réseaux – des réseaux autonomes fonctionnant à l’énergie renouvelable – pour fournir de l’électricité propre aux habitants d’une petite communauté ou d’une petite ville.
M. Brauchle s’est entretenu avec ONU Info à l’occasion de la première Journée internationale de l’énergie propre, célébrée le 26 janvier.
ONU info : Quelle différence l’accès à l’électricité propre peut-il faire dans la vie des gens à Madagascar ?
Moritz Brauchle : Je suis ému quand j’y pense. Lorsque nous avons lancé notre projet pilote dans un village en 2021, il faisait nuit noire à 18 heures. La journée était terminée. Les gens rentraient chez eux, faisaient la cuisine et allaient se coucher.
Dans le cadre du projet, nous avons installé des lampadaires solaires, des systèmes de refroidissement et de l’électricité propre. Aujourd’hui, les gens vendent des glaces et des jus de fruits dans les rues et peuvent aller au cinéma. Les moulins à riz qui fonctionnaient au diesel ne polluent plus l’air.
ONU info : Quelle proportion de la population vit sans électricité ?
Moritz Brauchle : Environ deux tiers, malheureusement. L’entreprise publique a du mal à financer l’extension du réseau et le raccordement d’un plus grand nombre de personnes, et elle fonctionne actuellement au diesel, ce qui est très coûteux et polluant.
Nous allons donc dans des régions d’Afrique subsaharienne où les habitants n’ont absolument pas accès à l’électricité, et nous construisons des centrales solaires avec des batteries de stockage et un réseau de distribution, créant ainsi un accès à l’énergie à partir de rien.
Grâce à l’énergie solaire, combinée à des batteries de stockage, nous pouvons fournir 20 heures d’électricité par jour. Au cours de l’année et demie écoulée, nous avons connu deux pannes d’une durée de trois à quatre heures. C’est mieux que beaucoup de réseaux traditionnels.
ONU info : Est-il possible de connecter les mini-réseaux pour couvrir une plus grande zone ?
Moritz Brauchle : C’est en fait ce sur quoi nous travaillons actuellement, en collaboration avec l’agence allemande d’aide au développement : interconnecter les mini-réseaux pour électrifier une région entière. C’est ce que nous prévoyons de faire dans les deux prochaines années et, à très long terme, d’intégrer un système de réseau national.
ONU info : Votre entreprise reçoit des subventions et des aides pour ses installations à Madagascar. Cette technologie peut-elle être commercialement viable dans les pays en développement sans ce type d’aide ?
Moritz Brauchle : Oui, mais deux choses devraient changer. Tout d’abord, nous devrions gagner davantage grâce aux certificats d’émission de carbone. Cela signifie que nous recevrions plus d’argent parce que nous aurions contribué à réduire les émissions de carbone en remplaçant des générateurs diesel ou en évitant d’en acheter de nouveaux.
Deuxièmement, nous aurions besoin du soutien de l’État ou, si l’État n’est pas en mesure de le faire, d’une organisation internationale telle que Sustainable Energy For All pour mettre en place les réseaux, car il est coûteux de partir de zéro. Une fois cela fait, nous n’avons plus besoin de subventions pour produire de l’électricité.
ONU info : A-t-il été difficile de convaincre les autorités malgaches de passer à ce type de production d’énergie ?
Moritz Brauchle : Non, elles nous soutiennent fermement et nous obtenons la coopération du ministère de l’Energie. Cependant, elles ont besoin de temps. Les réglementations ont été établies pour la production de diesel, et nous devons demander des permis environnementaux et soumettre des études. Nous devons nous débarrasser de ces contraintes pour permettre à un plus grand nombre de personnes d’être raccordées plus rapidement.
ONU info : Que diriez-vous aux habitants des pays en développement qui revendiquent le droit d’exploiter leurs réserves de combustibles fossiles ?
Moritz Brauchle : Nous entendons ce genre d’arguments, et je dois dire : qui sommes-nous pour leur dire de garder ces ressources dans le sol ?
Pour ces pays, il s’agit d’une source de revenus. Regardez la Norvège, qui est extrêmement verte. Elle s’est enrichie grâce aux ressources en combustibles fossiles.
Si nous voulons que les pays du Sud gardent le pétrole et le gaz dans le sol, nous devons trouver une solution, en subventionnant les énergies renouvelables et en offrant une compensation pour la perte du flux de revenus.
Les projets de mini-réseaux d’Africa GreenTec à Madagascar sont soutenus par la Facilité Universelle pour l’Energie (UEF), qui est gérée par SEforALL.