Nous ne discuterons pas, dès à présent, de la légitimité de l’impôt, mais seulement de son caractère progressif, en nous référant principalement à l’impôt sur le revenu, qui constitue l’exemple le plus connu de progressivité. L’impôt progressif sur le revenu est mal supporté par de nombreux contribuables.
La politique fiscale guinéenne s’est orientée vers un alourdissement notable et rapide de la progressivité de l’impôt, alors que, dans plusieurs pays, on commençait à réagir contre la croissance continue de la fiscalité. Le gouvernement n’a pas fondamentalement changé la situation, puisque le taux marginal maximum était encore de 50 % en 2020. La progressivité de l’impôt serait l’instrument idéal de cette politique. Il faut l’étudier sous trois (3) volets : la fiscalité des particuliers, la fiscalité des entreprises et la réduction fiscale.
1. La fiscalité des particuliers
Le volet de la fiscalité des particuliers est plus fourni que lors des années précédentes. Et pour cause, la fiscalité de certains revenus du capital, perçus ou réalisés à compter du 1ᵉʳ janvier 2011, est particulièrement touchée par la loi de finances. Le prélèvement forfaitaire libératoire est compris entre 18 et 19 % (dividendes, parts sociales, etc.), l’inexistence du crédit d’impôt lors de la réception de dividendes, la taxation à 19 % des plus-values de cessions de valeurs mobilières.
Globalement, le taux des prélèvements sociaux est de 12,1 % sur les revenus du patrimoine (revenus fonciers, plus-values de cession de valeurs mobilières…) et les produits de placement (revenus de placements à revenu fixe, plus-values immobilières). À cela s’ajoute le relèvement de la TVA dans la téléphonie mobile à 19,6 %. Si les placements sont plus taxés et que certains avantages disparaissent, notamment pour les ménages dits « aisés » ou les opérateurs économiques, ces derniers connaissent, de surcroît, une hausse de leur imposition. La suppression de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu (l’impôt minimum de développement local), la fiscalité des retraites chapeaux et des stocks-options sont également programmées.
2. La fiscalité des entreprises
Le volet de la fiscalité des entreprises est moins dense que l’an dernier. Aucune mesure n’a été adoptée pour lutter contre certaines pratiques d’optimisation fiscale dans les groupes. En outre, la base, les taux et les modalités de remboursement du Crédit d’Impôt Recherche n’ont pas été aménagés. D’autres points importants de la nouvelle loi de finances concernent la réforme fiscale, notamment la taxe professionnelle et l’imposition des produits de propriété intellectuelle.
3. La réduction fiscale
La réduction fiscale n’est pas largement mise en œuvre en Guinée. Le très débattu « coup de rabot » de 10 % entre dans le cadre d’un plafonnement global touchant de nombreuses niches, à l’exception de certaines liées à l’emploi ou au secteur privé.
Perspectives fiscales et compétitivité
Les perspectives fiscales incluent la suppression ou la réduction de certains avantages fiscaux, la hausse des prélèvements, la taxation des hauts revenus et un durcissement global de la fiscalité. Cependant, la grande réforme fiscale, notamment celle de la fiscalité patrimoniale, attendue depuis le passage de l’ex-ministre du Budget, n’a pas encore eu lieu.
Du point de vue de la politique fiscale internationale, la compétitivité de la Guinée est jugée menacée. En effet, alors que de nombreux pays ont abaissé leur impôt sur les sociétés et relevé la TVA, la Guinée n’a rien entrepris de tel. Pour certains, la diminution des charges accroît la compétitivité des entreprises, tandis que l’augmentation de la TVA aurait l’avantage de concerner tous les produits consommés, y compris ceux importés. Toutefois, la TVA toucherait également les ménages les plus modestes, ce qui pose un problème d’équité fiscale.
En ce début d’année, la fiscalité guinéenne est à l’aube de grands changements. Le débat fiscal sera omniprésent durant cette période. Comme le disait Jean-Baptiste Say : « Quand on demande l’impôt au consommateur, comment le producteur en supporte-t-il sa part ? »
Dr Mamadou Aliou BAH
Inspecteur Principal des Impôts