« L’histoire véritable doit refuser de céder la place à la légende, à l’affabulation et aux chroniques arrangées. »
Ces mots résonnent encore aujourd’hui, alors que nous nous interrogeons sur les erreurs et les échecs qui ont marqué les 65 ans de gestion de notre chère République de Guinée, indépendante depuis 1958. Pourquoi avons-nous échoué ? Quelles erreurs ont été commises au fil des décennies ? Si nous n’avons pas réussi à atteindre nos objectifs de développement, c’est sans doute à cause de politiques inadéquates, de décisions mal présentées ou mal prises.
Il est indéniable que le feu Président Ahmed Sékou Touré, premier chef d’État de la Guinée indépendante, est passé à côté de ses ambitions avec son orientation communiste et la social-démocratie populaire, qui s’est révélée inadaptée face à un libéralisme plus mobilisateur. Dans une déclaration emblématique, Sékou Touré avait affirmé : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage. » Toutefois, cette politique s’est avérée trop abstraite, et son impact sur le peuple a été destructeur.
Le lourd bilan de son régime inclut la mort de figures nationales comme Kaman Diaby, Telly Diallo, Fodéba Keïta, et Barry III. De plus, sa gestion a contribué à exacerber des tensions ethniques, en particulier à travers des stratégies discriminatoires à l’égard des Peuls de Guinée.
Dans un moment de confession à l’ancien ministre ivoirien Balla Keïta, Ahmed Sékou Touré aurait admis : « Ne faites pas ce que j’ai fait. J’ai tué tous les cadres de la Guinée et tous mes amis. » Ces paroles résonnent comme un testament tragique de son règne, qui a vu de nombreux Guinéens périr sous son régime.
Après sa mort, le Coup d’État du Colonel Lansana Conté en 1984 a prolongé la souffrance des Guinéens pendant plus de 24 ans. Les familles Touré, Diarra Traoré et bien d’autres ont payé un lourd tribut pendant cette période. La situation a empiré avec le coup d’État du Capitaine Moussa Dadis Camara en 2009, qui a plongé le pays dans une spirale de violences inouïes, culminant avec le massacre du 28 septembre 2009.
Aujourd’hui, le procès des responsables de ces événements a permis de commencer à rendre justice aux victimes. Mais la Guinée, tout au long de ces décennies, semble avoir été incomprise par ses dirigeants, et la communication avec le peuple est restée défaillante.
En 2010, un nouvel espoir est né avec l’élection d’Alpha Condé, premier président démocratiquement élu. Cependant, les espoirs se sont vite effondrés avec son ambition de briguer un troisième mandat en 2020, plongeant de nouveau le pays dans la contestation et la violence. Finalement, le 5 septembre 2021, le Général Mamadi Doumbouya a pris le pouvoir par un coup d’État, dans un contexte de lassitude des Guinéens face à des dirigeants successifs qui n’ont su répondre à leurs attentes.
Le bilan des 65 dernières années est certes sombre, marqué par des échecs politiques, économiques et sociaux. Mais que fallait-il faire ? Gouverner autrement ? Utiliser d’autres méthodes ? Il est certain qu’au-delà des défis, la Guinée ressent aujourd’hui plus que jamais la nécessité d’une action réformatrice profonde.
Il est temps pour notre nation de se rassembler autour d’un véritable projet de société, de rétablir la confiance entre les dirigeants et le peuple, et de s’engager sur la voie du progrès et de la justice sociale. Cela passe par la mise en place de réformes démocratiques, telles que la création d’une Commission nationale des droits de l’Homme, la réforme du système électoral et la libéralisation de l’audiovisuel.
En conclusion, après 65 ans d’indépendance, il est temps de remédier aux défauts de notre société pour mieux nous préparer à l’avenir. C’est seulement ainsi que nous pourrons construire une Guinée plus démocratique, plus solidaire et plus prospère.
Vive la République de Guinée !
Que Dieu bénisse les Guinéens !
Dr Aliou Bah, Inspecteur aux impôts