Le signal de France 24 n’émet plus au Burkina Faso. La chaîne de télévision française d’information internationale a été suspendue sine die le 27 mars 2023 par les autorités après la diffusion, dans une chronique en date du 6 mars, d’extraits de réponses écrites du chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) à des questions posées par un journaliste de la chaîne. Cette suspension intervient après celle, le 3 décembre 2022, de l’antenne de Radio France Internationale (RFI) « jusqu’à nouvel ordre » et sur l’ensemble du territoire national, au prétexte d’avoir relayé un “message d’intimidation des populations attribué à un chef terroriste”.
“Cette décision est une nouvelle atteinte à la liberté d’informer au Burkina Faso, déplore le directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF, Sadibou Marong. Nous condamnons fermement cette suspension sans préavis, qui intervient quelques mois après l’interdiction de RFI et qui pénalise encore un peu plus les citoyens Burkinabés, qui se retrouvent privés d’un autre moyen important d’information. Dans l’intérêt de tous et au nom du droit à une information pluraliste, cette décision doit être annulée immédiatement et l’antenne de France 24, comme celle de RFI, rétablies.”
Le gouvernement burkinabé reproche à France 24 d’avoir ouvert ses antennes au responsable d’AQMI, d’avoir fait “office d’agence de communication pour ces terroristes”, et d’avoir offert “un espace de légitimation des actions terroristes et des discours de haine véhiculés”. De son côté, France 24 précise dans un communiqué, que la chaîne n’a “jamais donné la parole directement” au chef d’AQMI, “prenant soin de relater ses propos sous la forme d’une chronique permettant la distanciation et la contextualisation nécessaires”. L’interview n’a en effet pas été diffusée à l’antenne, seuls des extraits écrits ont été rapportés. Pour la chaîne, cette chronique permettait également, pour la première fois, de confirmer que le journaliste Olivier Dubois, enlevé le 8 avril 2021 à Gao, dans le nord-est du Mali, et détenu durant 711 jours avant sa libération le 20 mars dernier, avait bien été “retenu par AQMI”.
France 24 déjà dans le viseur des autorités
Cette suspension n’apparaît pas comme une surprise. La chaîne avait, précédemment, déjà fait l’objet de menaces. Le 24 janvier dernier, le correspondant de France 24 au Burkina Faso, Bangaly Touré, avait été convoqué par le Conseil supérieur de la communication (CSC) à cause d’un “dérapage” constaté lors de la diffusion, sur le bandeau d’information de la chaîne le 16 janvier d’une information selon laquelle une cinquantaine de femmes avaient été enlevées par des “rebelles islamistes”, d’après le gouvernement, dans le nord du pays les 12 et 13 janvier derniers. La version des autorités ne qualifiait pas les ravisseurs de “rebelles islamistes”, mais de “groupes armés terroristes”.
Contacté par RSF, Bangaly Touré avait affirmé que sa chaîne n’avait fait que reprendre et traduire ce passage d’une dépêche issue de l’agence de presse Reuters, tout en précisant ne pas être l’auteur du bandeau d’information. Le lendemain, le porte-parole du gouvernement, Jean-Emmanuel Ouedraogo, l’avait appelé, menaçant de « suspendre la chaîne s’ils réitéraient« .
Le Burkina Faso sur les traces du Mali