Le lauréat du prix Nobel de la paix, Dmitry Muratov, qui a vendu aux enchères sa médaille en or afin de récolter des fonds pour les enfants réfugiés, a déclaré à ONU Info que les fruits de cette vente record de 103,5 millions de dollars prouvaient que « parfois, l’humanité pouvait se rassembler et faire preuve de solidarité ».
Le rédacteur en chef du service d’information russe indépendant Novaya Gazeta – fermé par le Kremlin en mars, à la suite de nouvelles restrictions imposées aux journalistes à la suite de l’invasion de l’Ukraine – a déclaré que ses collègues et lui-même avaient choisi l’UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, comme la meilleure organisation non gouvernementale pour garantir que les fonds parviennent à tous les enfants ukrainiens dans le besoin.
« C’est ce dont nous avons besoin »
« L’UNICEF est 100% de confiance », a déclaré M. Muratov au service russe d’ONU Info, dans une interview exclusive accordée ce mardi, après la vente aux enchères. « Ils ont d’excellents professionnels, ils ont des programmes, ils sont transparents sur la manière dont ils travaillent et utilisent les fonds – c’est ce dont nous avons besoin ».
« Nous leur avons écrit une lettre, ils nous ont répondu, leur lettre est en ma possession. Il était important pour moi que l’UNICEF soit d’accord avec notre volonté que l’argent soit réparti entre tous les pays frontaliers de l’Ukraine où se trouvent des réfugiés, sans exception ».
Il a ajouté qu’il espérait que les enfants ukrainiens se trouvant actuellement en Russie en bénéficieraient également : « il y a plus d’un million et demi de réfugiés en Russie, peut-être un peu moins. C’est pourquoi [nous avons choisi] l’UNICEF, qui a les compétences requises pour cela, et dont la mission n’est en aucun cas politique, seulement humanitaire ».
Le lauréat russe du prix Nobel, qui a reçu la médaille d’or en octobre 2021, en même temps que la journaliste philippine Maria Ressa – pour services rendus à la liberté d’expression et reportages sans peur face au harcèlement et aux menaces de mort – a déclaré que jamais, dans ses « rêves les plus fous », il ne s’était attendu à ce que les enchères atteignent une telle somme.
Dans ses estimations les plus optimistes, il s’attendait au plus à ce qu’elles atteignent 5 millions de dollars.
Vérifications concernant les enréchisseurs
M. Muratov a déclaré que les commissaires-priseurs, à la demande de l’UNICEF, avaient procédé à des vérifications concernant les différents enchérisseurs, y compris celui ayant remporté le gros lot, le but étant de s’assurer que cet argent ne provenait ni des poches d’un oligarque, ni du crime organisé.
« Ils ont procédé à des vérifications via le système bancaire, le système financier, et tout ce que je peux dire avec 100% de certitude, c’est que cet argent est absolument transparent », a-t-il déclaré à ONU Info.
M. Muratov n’a toutefois pas voulu révéler l’identité du gagnant, indiquant qu’il ne connaissait pas son nom et que l’anonymat avait été garanti : « Si je le savais, je ne le divulguerais pas, car il s’agit d’un pur conflit d’intérêts : les gens ont accepté les règles que nous avons proposées, nous ne pouvons pas contourner ces règles après coup. C’est impossible ».
« C’est la faute de mon pays »
Expliquant les nombreuses raisons pour lesquelles sa publication ne pouvait pas imaginer permettre à un enchérisseur russe d’entrer en lice, ou pourquoi il pensait que son journal ne devait pas remettre l’argent directement au gouvernement ukrainien, il a déclaré que cela serait impossible, étant donné le cours actuel de la guerre.
« Si au début [les Ukrainiens] étaient en colère, maintenant ils sont hors d’eux. Leur pays est en train d’être brisé en deux, de disparaître de la surface de la Terre. S’ils vivent chaque seconde sous le son des sirènes, entre un appartement et un abri anti-bombes, c’est la faute de mon pays ».