L’invasion de l’Ukraine par la Russie il y a un an est « un affront à la conscience collective », a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, lors d’une session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale des Nations Unies qui a débuté mercredi après-midi au siège de l’ONU.
Cette invasion, qui « a des conséquences dramatiques sur le plan humanitaire et des droits humains », est « une violation de la Charte des Nations Unies et du droit international » et ses « effets se font sentir bien au-delà de l’Ukraine », a noté le chef de l’ONU devant les Etats membres.
« Comme je l’ai dit au premier jour, l’attaque de la Russie contre l’Ukraine remet en cause les principes et les valeurs fondamentaux de notre système multilatéral », a-t-il ajouté.
Face à la tentative de la Russie « d’annexer illégalement » quatre régions de l’Ukraine (Kherson, Zapporijjia, Donetsk et Louhansk), le Secrétaire général a rappelé que la position des Nations Unies est sans équivoque : « Nous sommes attachés à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, dans ses frontières internationalement reconnues ».
Aide humanitaire
Alors que quatre Ukrainiens sur dix ont besoin d’une aide humanitaire et que des infrastructures vitales ont été prises pour cible, l’ONU est restée sur le terrain, travaillant avec les partenaires humanitaires.
Les agences des Nations Unies coopèrent également avec les pays d’accueil, qui ont reçu plus de 8 millions d’Ukrainiens – ce qui constitue la pire crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale.
Le Secrétaire général a rappelé que la semaine dernière, les Nations Unies ont lancé un appel d’aide humanitaire à hauteur de 5,6 milliards de dollars pour la population ukrainienne, et il a exhorté les Etats membres « à apporter un soutien sans faille ».
Quant aux graves violations du droit international humanitaire et des droits humains, M. Guterres a souligné que l’ONU est déterminée à veiller au respect de la justice et du principe de responsabilité.
Selon le Secrétaire général, un an après l’invasion, il devient « de plus en plus évident » à quel point le conflit pourrait encore empirer, citant notamment « les opérations militaires irresponsables » qui se poursuivent autour de la centrale nucléaire de Zaporijjia – la plus grande installation nucléaire d’Europe.
Il a salué les efforts de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour veiller à ce que la zone demeure sûre et a jugé nécessaire que la sécurité et la sûreté de toutes les centrales nucléaires ukrainiennes soient garanties.
Dissensions mondiales
Le chef de l’ONU a également noté que la guerre attise l’instabilité régionale et alimente les tensions et les dissensions mondiales, tout en détournant l’attention et les ressources d’autres crises et de problèmes mondiaux urgents.
Il a jugé « absolument inacceptable » la menace d’emploi dit « tactique » de l’arme nucléaire. « Il est grand temps de s’éloigner du précipice », a-t-il déclaré.
« La population ukrainienne souffre énormément. Les Ukrainiens, les Russes et les bien d’autres peuples ont besoin de paix », a conclu le Secrétaire général. « Plus longtemps les combats durent, plus notre tâche sera difficile. Nous n’avons pas un instant à perdre ».
Une guerre moralement et juridiquement indéfendable
De son côté le Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, Csaba Kőrösi, a rappelé que l’Assemblée générale « a condamné dans les termes les plus énergiques l’agression de la Russie contre l’Ukraine et sa guerre moralement et juridiquement indéfendable contre son voisin souverain ».
L’agression est illégale. Envahir un voisin est illégal. L’annexion du territoire d’un autre pays est illégale – Csaba Kőrösi
« Pendant toute une année, l’Assemblée générale, le Secrétaire général et la communauté internationale ont été constants et virulents dans nos appels à mettre fin à cette guerre et à adhérer à la Charte des Nations Unies et au droit international. Mais cela mérite d’être répété aujourd’hui : l’agression est illégale. Envahir un voisin est illégal. L’annexion du territoire d’un autre pays est illégale », a martelé M. Kőrösi.
Selon lui, la communauté internationale est confrontée à des choix difficiles notamment concernant la reconstruction de « la confiance perdue ». « Ces choix nous mettront soit sur la voie de la solidarité et de la détermination collective à défendre les principes de la Charte des Nations Unies, soit sur la voie de l’agression, de la guerre, des violations normalisées du droit international et de l’effondrement de l’action mondiale ».
Alors que la menace d’une guerre nucléaire plane toujours, tout comme les dangers d’un accident nucléaire, il a estimé qu’il s’agissait d’une « menace inadmissible, avec des implications mondiales potentiellement catastrophiques ».
« La guerre nucléaire ne peut jamais être gagnée et ne devrait jamais être menée », a-t-il dit, exprimant son ferme soutien au travail de l’AIEA pour assurer la sûreté et la sécurité nucléaires en Ukraine et soulignant « l’urgente nécessité de renouveler notre engagement en faveur du désarmement mondial et du régime de non-prolifération ».
« La Russie peut mettre fin à son agression »
Le Président de l’Assemblée générale s’est adressé « à tous ceux qui subissent les conséquences de cette guerre », en affirmant qu’ils n’étaient pas oubliés. « Dans tout le système des Nations Unies, nous travaillons sans relâche pour trouver des solutions à votre sort et vous accompagner sur la voie de la reconstruction ».
Après le temps de la guerre « viendra le temps de la reconstruction, de la réconciliation et de la transformation ». « Nous savons que ce ne sera pas facile. Nous savons que les cicatrices sont profondes », a-t-il dit.
En attendant, il a souhaité adresser un message aux dirigeants et au peuple de la Fédération de Russie, les appelant à revenir « sur la voie de l’instauration et de la sauvegarde de la paix, pour contribuer à la stabilité et à la prospérité partagées ». « La Russie peut mettre fin à son agression. La Russie peut mettre fin à la guerre qu’elle a déclenchée. La Russie doit mettre fin à cet enfer d’effusion de sang », a-t-il conclu.
La destruction délibérée de la culture doit cesser
De leur côté, des experts indépendants de l’ONU ont lancé mercredi un appel pressant pour que cesse la destruction délibérée des trésors culturels de l’Ukraine par les forces russes.
Alexandra Xanthaki, Rapporteure spéciale dans le domaine des droits culturels, Farida Shaheed, Rapporteure spéciale sur le droit à l’éducation et Nazila Ghanea, Rapporteure spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, ont également exprimé leur inquiétude face au « dénigrement continu de l’histoire et de l’identité du peuple ukrainien comme justification de la guerre et de la haine ».
Les expertes ont cité des rapports selon lesquels des sites importants sur le plan culturel en Ukraine avaient été intentionnellement ciblés, alors qu’ils devraient être protégés, conformément au droit international, en particulier la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé.
« Les attaques aveugles et disproportionnées contre des zones densément peuplées, et les dommages causés aux infrastructures civiles au cours de ce processus, sont d’une telle ampleur qu’ils suggèrent une campagne délibérée de destruction », ont déclaré les expertes dans un communiqué.
On estime que plus de 240 sites du patrimoine ukrainien ont été endommagés depuis l’invasion russe le 24 février de l’année dernière, selon l’agence culturelle, éducative et scientifique des Nations Unies, l’UNESCO. Mais le nombre réel d’attaques pourrait être supérieur à 1.000, ont déclaré les trois expertes.