Devant le Conseil des droits de l’homme, la Rapporteure spéciale de l’ONU sur l’indépendance des juges et des avocats a indiqué que dans cette « menace prioritaire » de « décadence démocratique et d’autocratisation », ce processus a vu des dirigeants démanteler ou réduire la capacité des autres branches du gouvernement à contrôler leur pouvoir.
« Un tel processus va souvent de pair avec la répression de la société civile, le rétrécissement de l’espace civique et la persécution accrue des défenseurs des droits de l’homme, y compris des avocats », a déclaré Margaret Satterthwaite, Rapporteure spéciale de l’ONU sur l’indépendance des juges et des avocats.
Pour l’experte indépendante onusienne, les États membres doivent continuer à protéger et à préserver l’espace civique, à veiller à ce que les manifestants et les opposants politiques ne soient pas indûment criminalisés et à ce qu’ils aient accès à toutes les garanties appropriées d’une procédure régulière.
« Les États doivent également s’assurer qu’ils n’érodent pas les contrôles et les limitations des pouvoirs du gouvernement par des tribunaux indépendants, qui sont essentiels pour garantir que les droits individuels restent protégés », a-t-elle ajouté.
Atteintes à l’indépendance du pouvoir judiciaire
L’experte a également exprimé sa préoccupation concernant les lois qui étendent les pouvoirs de l’exécutif et ne font pas assez pour garantir que l’exercice de ces pouvoirs reste soumis au contrôle d’un pouvoir judiciaire indépendant. A cet égard, elle a cité ces allégations d’atteintes plus systématiques à l’indépendance du pouvoir judiciaire, telles que celles décrites dans les rapports sur la Tunisie, qui sont extrêmement préoccupantes.
Par exemple, 57 juges ont été sommairement licenciés l’année dernière et certains font l’objet d’affaires pénales dont ils n’ont découvert l’existence qu’après avoir été démis de leurs fonctions. Malgré une décision du tribunal administratif en faveur de nombre d’entre eux, ils n’ont pas été réintégrés. « Les avocats risquent également d’être criminalisés pour avoir exprimé leurs inquiétudes concernant la situation du système judiciaire », a-t-elle regretté.
Arrestation, détention et harcèlement judiciaire à l’encontre d’avocats
L’autre menace soulevée devant le Conseil est « la terrible pratique consistant à s’en prendre aux avocats ». Une façon de rappeler que les États ont l’obligation de veiller à ce que les avocats puissent jouer leur rôle essentiel dans la défense des droits de l’homme. « Pourtant, les avocats font de plus en plus souvent l’objet de menaces, d’arrestations, de poursuites, d’emprisonnements et même de décès, souvent dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions », a dit Margaret Satterthwaite.
Cette pratique viole les droits des avocats individuels, dont certains paient le prix fort. Mais elle porte également atteinte aux droits d’autres personnes à un procès équitable et à l’ensemble des droits de l’homme censés être protégés par l’État de droit et un système judiciaire efficace.
« Des allégations d’arrestation, de détention et de harcèlement judiciaire à l’encontre d’avocats pour leur travail ont également été portées à mon attention », a souligné l’experte, déplorant d’ailleurs l’assassinat brutal de Thulani Maseko, avocat très connu dans le domaine des droits de l’homme, en Eswatini.
Par ailleurs, s’il n’y a pas de contrôle effectif du pouvoir de l’État, les gouvernements sont libres de soumettre leurs opposants à la surveillance, au harcèlement, à la détention arbitraire et même à la torture, d’imposer des couvre-feux et des restrictions aux déplacements des citoyens, d’exercer des discriminations à l’encontre des groupes défavorisés et d’imposer des restrictions à la liberté d’expression et d’association.
Plus largement, la Rapporteure spéciale estime que l’indépendance des juges et des avocats est le fondement sur lequel repose la protection de tous les autres droits de l’homme. « Les juges qui ne sont pas indépendants ne peuvent pas faire valoir les droits de l’homme sans crainte ni faveur. Un juge qui craint d’être licencié ou harcelé par le gouvernement aura du mal à conclure que l’État a commis des actes de torture ou que l’arrestation et le harcèlement de ceux qui protestent contre le gouvernement constituent une violation du droit de réunion pacifique », a conclu Mme Satterthwaite