Haïti a admis, lundi à Genève, que le pays est confronté à une instabilité chronique, et est particulièrement exposé aux catastrophes naturelles, sapant ainsi « les efforts du Gouvernement haïtien dans la mise en œuvre des recommandations » du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
« Le Gouvernement est conscient de la détérioration de la situation sécuritaire dans le pays forçant les habitants de certaines zones à fuir leurs maisons », a affirmé Me Berto Dorcé, Ministre haïtien de la Justice et de la Sécurité publique, relevant que de 2017 à 2021, un ensemble d’événements se sont produits sur le territoire haïtien occasionnant des pertes en vies humaines et des déplacements de personnes. Face à cela, la police haïtienne « continue à réaliser des opérations contre les gangs armés en vue de parvenir à les démanteler ».
Une façon pour Port-au-Prince de rappeler les actions mises en œuvre par le gouvernement « pour lutter contre l’impunité ». Malgré tout, cela n’a pas empêché l’arrivée de certains « événements regrettables » sur le territoire, de 2017 à 2021, occasionnant des pertes en vies humaines et des déplacements de personnes.
La majorité de ces événements ont été recensés dans les localités de Lilavois, Grand-ravine, la Saline, Bel Air, Carrefour Feuille et Delmas 32. Dans tous ces cas, les auteurs ont été tous poursuivis. Certains policiers ont été placés en isolement, a précisé le Garde des sceaux haïtien. Des dossiers sont au Parquet, et certains au cabinet d’instruction pour suites légales.
Le point sur l’assassinat du Président Jovenel Moïse et l’affaire « Pétrocaribe »
Lors du 3e cycle de l’Examen Périodique Universel (EPU) du rapport d’Haïti, la délégation haïtienne a également fait le point sur l’assassinat du Président Jovenel Moïse, tué dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021.
« S’agissant du dossier de l’assassinat du Président de la République, Jovenel Moïse, assassiné par un groupe de mercenaires étrangers en sa résidence privée, dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, la police a déjà procédé à l’arrestation de plusieurs personnes, dont 18 Colombiens et 2 Haïtianos-américains », a détaillé le Ministre.
Le dossier est actuellement au cabinet d’instruction où les auditions se poursuivent, a-t-il poursuivi devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Selon Port-au-Prince, « les inculpés sont en détention préventive pendant que les arrestations se poursuivent en terres étrangères dans le cadre de l’entraide judiciaire ».
Concernant l’affaire dite « Pétrocaribe », le Gouvernement haïtien a déjà manifesté son intérêt pour voir « juger les coupables dans le cadre de cette vaste affaire de corruption ».
Au cours de l’année 2018, des organisations de la société civile ont reproché à l’État haïtien la mauvaise gestion des fonds dits Pétrocaribe. Ce fond est tiré des revenus d’un programme de prêt accordé à Haïti par le Venezuela à un faible taux d’intérêt pour financer le développement socioéconomique d’Haïti.
Plusieurs instances se sont penchées sur ce dossier, notamment le Sénat de la République qui avait produit deux rapports qui ont été acheminés à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA) pour suites légales. C’est dans ce contexte que le juge chargé de l’instruction du dossier a rendu le 22 juin 2021 une ordonnance dans laquelle il a décidé de sursoir à l’instruction pour « absence d’arrêts de débat de la CSCCA et de décision du Parlement ».
Le magistrat a ordonné un sursis à l’instruction en attendant l’accomplissement des formalités légales. « Le gouvernement avait alloué des fonds spéciaux à la CSCCA afin de faciliter la tâche aux vérificateurs de ladite Cour », a fait valoir Me Berto Dorcé.
Détention préventive et surpopulation carcérale
Lors des débats, des pays se sont inquiétés de l’instabilité de la situation sécuritaire à Haïti et par les informations faisant état de nombreuses violations graves des droits de l’homme, notamment « des exécutions sommaires, des arrestations arbitraires, des enlèvements et de la traite des êtres humains ». La délégation irlandaise a ainsi recommandé à Haïti « de permettre des enquêtes impartiales sur les allégations de violations des droits de l’homme, y compris celles où les autorités de l’État seraient complices ».
Pour l’Indonésie, il s’agit de « prendre toutes les mesures nécessaires pour promouvoir la transparence et accroître les efforts de lutte contre la corruption ». De son côté, le Luxembourg a préconisé la mise en place des cadres de gouvernance visant à mettre fin à l’impunité et à garantir un accès à la justice pout toute personne, afin de s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité dans le pays.
La délégation malgache s’est penchée sur « le taux élevé des femmes en détention préventive », encourageant Port-au-Prince « à engager des réformes du Code pénal afin de renforcer le système judiciaire dans la résolution de la surpopulation carcérale ».
Plus largement, Haïti concède que la période (2017-2021) est marquée par des « soubresauts politiques répétés ». Selon le Ministre de la justice, son pays a connu des crises, des manifestations accompagnées des opérations « pays lock », des catastrophes naturelles qui ont considérablement sapé les efforts du Gouvernement dans la mise en œuvre des recommandations.
La situation économique déjà compliquée a été aggravée par l’arrivée de la Covid 19, les fréquentes inondations, le tout, couronné par l’assassinat du Président de la République et le séisme du 14 août 2021 qui a dévasté une partie du Grand Sud, a-t-il ajouté, relevant que cette situation a retardé beaucoup d’interventions pouvant contribuer à l’amélioration des conditions de vie de la population.
« Cependant, la volonté est là et le Gouvernement auquel j’appartiens est, plus que jamais, déterminé à continuer à travailler pour l’amélioration de la situation et le respect des droits de l’homme à travers le pays », a conclu le Ministre haïtien de la Justice et de la Sécurité publique.