L’OMS appelle à une plus grande réglementation de la commercialisation transfrontalière de l’alcool

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© Unsplash/Eduardo Soares
Des stocks de bière dans un entrepôt de distribution au Brésil.

L’alcool fait de plus en plus l’objet d’une commercialisation transfrontalière, les jeunes et les gros buveurs étant particulièrement visés, indique l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans un nouveau rapport publié mardi qui appelle à une réglementation plus efficace.

L’étude montre comment la révolution numérique dans la commercialisation et la promotion est utilisée pour vanter les mérites de l’alcool au-delà des frontières nationales et, dans de nombreux cas, indépendamment de l’environnement social, économique ou culturel.

Selon l’OMS, la consommation d’alcool est liée à toute une série de problèmes de santé, allant de la dépendance à l’alcool et d’autres troubles mentaux et comportementaux à des maladies non transmissibles majeures telles que la cirrhose du foie, certains cancers et des maladies cardiovasculaires, ainsi qu’à des blessures et des décès résultant de la violence et d’accidents de la route.

Un homme ivre dort sur un banc
OMS/Sergey Volkov
Un homme ivre dort sur un banc

Sauver de jeunes vies

Dans le monde, quelque trois millions de personnes meurent chaque année des suites de l’usage nocif de l’alcool – une toutes les 10 secondes – ce qui représente environ 5% de tous les décès.

Les jeunes représentent un nombre disproportionné de ces décès liés à l’alcool, puisque 13,5 % de tous les décès chez les personnes âgées de 20 à 39 ans sont liés à l’alcool.

« L’alcool prive les jeunes, leur famille et la société de leur vie et de leur potentiel », a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS. « Pourtant, malgré les risques évidents pour la santé, les contrôles de la commercialisation de l’alcool sont beaucoup plus faibles que pour d’autres produits psychoactifs. Une meilleure réglementation du marketing de l’alcool, bien appliquée et plus cohérente, permettrait à la fois de sauver et d’améliorer la vie des jeunes dans le monde entier ».

L’essor de la publicité numérique

Le rapport souligne comment les changements récents dans le marketing de l’alcool ont créé de nouvelles opportunités pour atteindre le public.

La collecte et l’analyse de données sur les habitudes et les préférences des utilisateurs par les fournisseurs d’accès à l’internet ont permis aux spécialistes du marketing de l’alcool de cibler des messages destinés à des groupes spécifiques par-delà les frontières nationales.

L’étude a révélé que la publicité ciblée sur les médias sociaux est particulièrement efficace, et qu’elle est renforcée par les influenceurs et par le partage de messages.

Une source de données citée dans le rapport a calculé que plus de 70 % des dépenses en médias des principaux spécialistes du marketing de l’alcool basés aux États-Unis en 2019 ont été effectuées par le biais de promotions, de placements de produits et de publicités en ligne dans les médias sociaux.

« L’importance croissante des médias numériques signifie que le marketing de l’alcool est devenu de plus en plus transfrontalier », a déclaré Dag Rekve, de l’unité Alcool, drogues et comportements addictifs de l’OMS. « Il est donc plus difficile pour les pays qui réglementent le marketing de l’alcool de le contrôler efficacement sur leur territoire. Une plus grande collaboration entre les pays dans ce domaine est nécessaire ».

Parrainage de manifestations sportives

Les fabricants d’alcool parrainent également de grands événements sportifs aux niveaux mondial, régional et national, ce qui, selon le rapport, peut aussi accroître considérablement la notoriété de la marque auprès de nouveaux publics.

Ils s’associent également à des ligues et des clubs sportifs pour atteindre les téléspectateurs et les consommateurs potentiels dans différentes parties du monde.

Parmi les autres opportunités, figurent le parrainage d’événements de jeux compétitifs ou le placement de produits dans des films et des séries diffusés sur des chaînes internationales par abonnement.

Une femme choisit de l'alcool dans un supermarché de Moscou, en Russie.
OMS/Sergey Volkov
Une femme choisit de l’alcool dans un supermarché de Moscou, en Russie.

La consommation d’alcool comme moyen d’émancipation

Le rapport intitulé Réduire les méfaits de l’alcool en réglementant les activités transfrontalières de marketing, de publicité et de promotion de l’alcool,examine également comment des publics spécifiques sont ciblés, avec une attention particulière pour les enfants et les adolescents, les femmes et les gros buveurs.

Selon l’OMS, des études ont montré que le fait de commencer à boire de l’alcool à un jeune âge est un facteur prédictif d’une consommation dangereuse au début de l’âge adulte et au-delà. Les spécialistes du marketing ciblent aussi particulièrement les régions du monde dont la population est jeune et en pleine croissance, comme l’Afrique et l’Amérique latine.

Et si les hommes consomment les trois quarts de l’alcool consommé dans le monde, le taux plus faible chez les femmes présente également une opportunité de se développer. Les spécialistes du marketing de l’alcool présentent souvent la consommation d’alcool par les femmes comme un symbole d’émancipation et d’égalité, indique le rapport.

De plus, les études sur les violences conjugales indiquent que les violences contre les femmes sont plus fréquentes quand elles et leur partenaire ont tous les deux bu, ce qui risque de réduire leur pouvoir au sein du couple, plutôt que de l’accroître.

Les buveurs excessifs et dépendants sont une autre cible des stratégies de marketing. « Les personnes dépendantes de l’alcool font souvent état d’une envie plus forte de boire de l’alcool lorsqu’elles sont confrontés à des messages liés à l’alcool, mais elles disposent rarement d’un moyen efficace d’éviter l’exposition au contenu de la publicité ou de la promotion », indique l’OMS.

Une meilleure intégration dans les stratégies de santé publique et une meilleure collaboration

Le rapport recommande que des restrictions ou des interdictions globales de la commercialisation de l’alcool, y compris de ses aspects transfrontaliers, soient intégrées dans les stratégies de santé publique.  Il appelle également à une plus grande collaboration entre les pays.

L’OMS a déclaré que, bien que de nombreux gouvernements aient mis en œuvre une certaine forme de restrictions sur le marketing de l’alcool, celles-ci ont tendance à être relativement faibles.

Une étude réalisée en 2018 par l’agence onusienne a révélé que si la plupart des pays disposent d’une forme de réglementation pour le marketing de l’alcool dans les médias traditionnels, près de la moitié d’entre eux n’ont aucune réglementation qui s’applique à l’Internet et aux médias sociaux

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