Le monde « à la croisée des chemins » dans la gestion de la sécheresse

11
SHARES
101
VIEWS
© UNICEF/Oloo
Une mère avec son enfant devant une carcasse d’animal mort en raison de la sécheresse au Kenya.

L’humanité est « à la croisée des chemins » lorsqu’il s’agit de gérer la sécheresse et il est urgent d’accélérer son atténuation, en utilisant tous les outils possibles, indique un nouveau rapport de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD).

La sécheresse en chiffres, 2022,  publié pour marquer la Journée de la sécheresse lors de la 15e Conférence des Parties de la CNULCD (COP15, 9-20 mai à Abidjan, Côte d’Ivoire), appelle à un engagement mondial total en faveur de la préparation et de la résilience à la sécheresse dans toutes les régions du monde, en tant que priorité absolue.

Le rapport, un recueil d’informations et de données sur la sécheresse, aide à éclairer les négociations sur l’une des nombreuses décisions qui seront prises par les 196 États membres de la CNULCD d’ici le 20 mai à la fin de la COP15.

« Les faits et les chiffres de cette publication pointent tous dans la même direction : une trajectoire ascendante de la durée des sécheresses et de la gravité des impacts, affectant non seulement les sociétés humaines mais aussi les systèmes écologiques dont dépend la survie de toute vie, y compris celle de notre propre espèce », a déclaré Ibrahim Thiaw, secrétaire exécutif de la CNUCLD.

Le rapport a été publié avant la publication, le 18 mai, du rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) sur l’état du climat mondial en 2021, qui mettra en évidence les effets débilitants de la sécheresse dans certaines régions du monde, comme la Corne de l’Afrique.

Les défis sont de plus en plus nombreux

« On a constaté une diminution de l’humidité des sols dans de nombreuses régions du monde, ce qui est très frappant pour la production agricole. Nous avons assisté à une accélération de la fonte des glaciers, ce qui signifie que les rivières reçoivent moins d’eau douce. Nous avons constaté des changements dans le régime des précipitations. Certaines régions du monde deviennent plus sèches et d’autres connaissent davantage de problèmes d’inondation », a indiqué le Secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas.

Le rapport de la CNULCD qui met en avant un appel à l’action convaincant  relève que depuis 2000, le nombre et la durée des sécheresses ont augmenté de 29%, que de 1970 à 2019 les aléas météorologiques, climatiques et hydriques ont représenté 50% des catastrophes et 45% des décès liés aux catastrophes, principalement dans les pays en développement, de même que les sécheresses représentent 15% des catastrophes naturelles. De plus elles ont causé le plus grand nombre de victimes humaines, soit environ 650.000 décès entre 1970 et 2019.

De 1998 à 2017, les sécheresses ont causé des pertes économiques mondiales d’environ 124 milliards de dollars.

En 2022, plus de 2,3 milliards de personnes sont confrontées au stress hydrique. Près de 160 millions d’enfants sont exposés à des sécheresses graves et prolongées, indique le rapport.

D’ici 2050, les sécheresses pourraient toucher plus des trois quarts de la population mondiale

Selon la CNULCD, à moins que des mesures ne soient prises d’ici 2030, on estime que 700 millions de personnes risquent d’être déplacées par la sécheresse d’ici 2040, un enfant sur quatre vivra dans des régions aux prises avec une pénurie extrême d’eau, et d’ici 2050 les sécheresses pourraient toucher plus des trois quarts de la population mondiale.

On estime aussi que 4,8 à 5,7 milliards de personnes vivront dans des régions où l’eau est rare pendant au moins un mois chaque année, contre 3,6 milliards aujourd’hui. Et jusqu’à 216 millions de personnes pourraient être obligées de migrer d’ici 2050, en grande partie en raison de la sécheresse et d’autres facteurs, notamment la pénurie d’eau, la baisse de la productivité des cultures, l’élévation du niveau de la mer et la surpopulation.

« Nous sommes à la croisée des chemins », a affirmé le Secrétaire exécutif de la CNULCD, notant l’impérieuse nécessité de s’orienter vers les solutions plutôt que de poursuivre les actions destructrices, en croyant que des changements marginaux peuvent guérir l’échec systémique.

« L’une des meilleures et plus cohésive solution est la restauration des terres, qui tient compte de nombreux facteurs sous-jacents à la dégradation des cycles de l’eau et à la perte de fertilité du sol. Nous devons mieux construire et reconstruire nos paysages, imiter la nature dans la mesure du possible et créer des systèmes écologiques fonctionnels », a ajouté M. Thiaw.

Des approches proactives et fondées sur le risque

Au-delà de la restauration, a-t-il poursuivi, il est nécessaire de passer d’approches « réactives » et « fondées sur la crise » à des approches « proactives » et « fondées sur le risque » de gestion de la sécheresse impliquant la coordination, la communication et la coopération, motivées par une volonté financière et politique suffisante.

De son côté, le Secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas, a mis en lumière les initiatives de l’organisation visant à lutter contre la sécheresse. Par exemple, l’OMM s’efforce d’étendre la couverture des services d’alerte précoce, notamment en ce qui concerne les crues soudaines, la sécheresse et les tempêtes de sable et de poussière.

Le nouveau rapport de la CNULCD note que 128 pays ont exprimé leur volonté d’atteindre ou de dépasser la neutralité en matière de dégradation des terres. Et près de 70 pays ont participé à l’initiative mondiale de la CNULCD sur la sécheresse, qui vise à passer d’approches réactives à une approche proactive et réduisant les risques.

Le rapport estime dans ce sens que la décision de la COP15 sur la sécheresse devrait toucher cinq domaines interdépendants, à savoir les politiques de lutte contre la sécheresse, l’alerte rapide, lle suivi et l’évaluation, le partage des connaissances et l’apprentissage, les partenariats et la coordination et le financement.

Des familles déplacées par la sécheresse dans la région Somali, en Ethiopie.
© UNICEF/Zerihun Sewunet
Des familles déplacées par la sécheresse dans la région Somali, en Ethiopie.

Sensibiliser le public à la désertification et à la sécheresse

La CNULCD a lancé mercredi une campagne de sensibilisation intitulée « Droughtland ». Il s’agit d’une nouvelle campagne de sensibilisation du public qui vise à présenter des solutions et à galvaniser l’action mondiale contre la sécheresse.

La campagne sera présentée lors de la Journée des Nations Unies pour la désertification et la sécheresse, le 17 juin, organisée cette année à Madrid, en Espagne.

M. Thiaw a souligné l’importance de sensibiliser le public à la désertification et à la sécheresse, et de faire savoir aux gens que les problèmes peuvent être résolus efficacement « par l’ingéniosité, l’engagement et la solidarité ».

« Nous devons tous assumer notre responsabilité d’assurer la santé des générations présentes et futures, de tout cœur et sans délai », a-t-il déclaré.

Next Post