11
SHARES
101
VIEWS
Coral Reef Image Bank/Michele Roux
Une tortue nage dans l’océan en Martinique, dans les Caraïbes.

L’édition 2023 de la Revue du commerce et de l’environnement (Trade and Environment Review 2023) de la CNUCED, publiée le 8 mai, dresse un état des lieux de l’économie océanique mondiale – d’une valeur estimée entre 3.000 et 6.000 milliards de dollars.

Le rapport analyse la façon dont l’activité humaine et les crises ont affecté les différents secteurs océaniques, comme la pêche, les produits de la mer, le transport maritime et le tourisme côtier.

Présenté lors du troisième Forum des Nations Unies sur le commerce, il appelle à un « Pacte Bleu » mondial afin d’exploiter durablement nos océans, qui abritent 80 % de toutes les formes de vie. Il s’appuie sur les recommandations du quatrième Forum des Nations unies sur les océans et de la deuxième Conférence des Nations Unies sur les océans, qui s’est tenue en 2022.

« L’économie de l’océan offre de grandes opportunités. Nous devons trouver un juste équilibre entre les bénéfices tirés des océans et la protection de ses ressources », a déclaré le Secrétaire général adjoint de la CNUCED, Pedro Manuel Moreno.

Des femmes tanzaniennes récoltent des algues dans le cadre d'un projet d'agriculture intelligente face au changement climatique.
UN Women/Phil Kabuje
Des femmes tanzaniennes récoltent des algues dans le cadre d’un projet d’agriculture intelligente face au changement climatique.

Investir dans de nouvelles opportunités durables 

Un « Pacte Bleu » mondial permettrait d’accroître les investissements dans les secteurs émergents durables qui pourraient profiter aux pays en développement. Le rapport met en lumière deux secteurs prometteurs : la culture des algues et les substituts au plastique.

Le marché mondial des algues a plus que triplé en vingt ans, passant de 4,5 milliards de dollars en 2000 à 16,5 milliards en 2020.

Les algues n’ont pas besoin d’eau douce ni d’engrais pour pousser. Elles peuvent être cultivées dans de nombreux pays en développement pour la production d’aliments, de cosmétiques et de biocarburants, et peuvent constituer une alternative au plastique, dont 11 millions de tonnes se déversent chaque année dans les océans.

Outre les algues, la nature regorge de nombreux autres matériaux durables qui pourraient être utilisés pour fabriquer des versions écologiques de pailles, emballages alimentaires et autres produits en plastique que nous utilisons quotidiennement.

La liste comprend des matériaux que de nombreux pays en développement possèdent en abondance, comme le bambou, les coques de noix de coco, les bananiers et les déchets agricoles. Ces pays savent en outre utiliser ces matériaux grâce à leur connaissances traditionnelles et culturelles.

En 2020, le commerce mondial des substituts au plastique représentera environ 388 milliards de dollars, soit un tiers seulement du montant des échanges de plastiques fabriqués à partir de combustibles fossiles. Le potentiel de croissance est donc énorme.

Le rapport invite les gouvernements et les entreprises à accroître le financement de la recherche et du développement de secteurs durables émergents similaires dans l’économie des océans.

Il invite les entreprises à investir dans les pays en développement afin de renforcer leurs technologies, leurs compétences et leurs capacités de production, de manière qu’ils puissent tirer parti des nouvelles possibilités offertes par les océans.

Promouvoir la diversification des exportations 

Investir dans les secteurs océaniques émergents pourrait aider les pays en développement à diversifier leurs exportations océaniques.

La valeur des exportations mondiales de biens océaniques, tels que les produits de la mer et les équipements portuaires, et de services, tels que le transport maritime et le tourisme côtier, a été estimée à 1.300 milliards de dollars en 2020.

La crise du COVID-19 a révélé le potentiel et la résilience de certains secteurs et l’extrême vulnérabilité d’autres. En général, les exportations de biens maritimes, qui ont chuté de 3,2%, ont mieux résisté que les services, qui se sont effondrés de 59% en 2020.

La baisse des revenus des services a touché de nombreuses communautés côtières des pays en développement, qui dépendent souvent de secteurs tels que le tourisme. La diversification des exportations et des activités maritimes est essentielle pour renforcer la résilience économique face aux crises futures.

Selon le rapport, les gouvernements devraient intégrer l’objectif de promotion d’une économie océanique diversifiée et durable dans les stratégies de sortie de crise et les efforts d’atténuation et d’adaptation au climat.

Des communautés de pêcheurs à Demak en Indonésie ont lutté ces dernières années face à la montée du niveau de la mer.
© UNEP/Nathanial Brown
Des communautés de pêcheurs à Demak en Indonésie ont lutté ces dernières années face à la montée du niveau de la mer.

Protéger les stocks de poissons et la biodiversité marine 

On estime à 35 milliards de dollars le montant des subventions publiques allouées aux activités de pêche dans le monde.

Une part importante – environ 20 milliards de dollars par an – pourrait contribuer à la surpêche en renforçant la capacité de l’industrie de la pêche par le biais, par exemple, de subventions au carburant ou d’incitations financières à l’achat de bateaux plus grands.

Alors que 34% des stocks mondiaux de poissons sont inférieurs aux niveaux biologiquement durables, le rapport invite les pays à ratifier d’urgence l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les subventions à la pêche, adopté le 17 juin 2022.

Cet accord, qui constitue un grand pas en avant dans la lutte contre les subventions nuisibles, interdit le soutien à la pêche illégale, non déclarée et non réglementée, et à la pêche des stocks surexploités, et met fin aux subventions à la pêche en haute mer non réglementée. Il entrera en vigueur lorsque les deux tiers des 164 membres de l’OMC auront déposé leurs « instruments d’acceptation ».

De même, le rapport appelle les gouvernements à adopter et à ratifier l’accord sur la biodiversité marine au-delà des juridictions nationales du 4 mars 2023. Mieux connu sous le nom de « traité de la haute mer », cet accord créerait des outils pour le partage juste et équitable des bénéfices tirés des ressources génétiques marines et établirait des zones internationalement protégées dans nos océans.

Une nouvelle orientation 

L’objectif de développement durable consacré à la vie sous l’eau (ODD 14) est le moins financé de tous les objectifs.

Entre 2013 et 2018, seulement 1,6% du montant total de l’aide publique au développement – soit quelque 2,9 milliards de dollars par an – a été consacré à l’économie des océans.

Ce chiffre est bien en deçà de ce qui est nécessaire pour faire face à la crise océanique.

Des estimations récentes suggèrent que, par exemple, 175 milliards de dollars par an seront le minimum nécessaire pour atteindre l’ODD 14 d’ici 2030, compte tenu notamment de l’impact de la COVID-19 et d’autres revers récents.

Elles montrent également qu’un investissement de 2.800 milliards de dollars aujourd’hui dans quatre solutions durables pour les océans – la conservation et la restauration des mangroves, la décarbonisation du transport maritime international, la production alimentaire durable dans les océans et la production éolienne en mer – produirait des bénéfices nets de 15.500 milliards de dollars d’ici à 2050.

Sans un « Pacte Bleu » mondial, ces bénéfices et les objectifs de l’ODD 14 seront beaucoup plus difficiles à atteindre.

« Le moment est venu de changer de cap en investissant davantage dans la construction d’une économie océanique durable », a déclaré M. Moreno.

Next Post