Ce sujet est au centre de la conférence « La Semaine mondiale de l’eau », soutenue par les Nations Unies, qui se déroule à Stockholm, du 20 au 24 août.
Les défis de l’eau aux Etats-Unis
Aux Etats-Unis, dans l’Etat de Washington, le village côtier de Taholah, qui abrite la nation indienne Quinault, est ainsi devenu un symbole ces dernières années des effets du changement climatique.
Les inondations causées par l’élévation du niveau de la mer et les conditions météorologiques extrêmes obligent cette petite communauté de 650 habitants à quitter des terres qu’elle habite depuis des milliers d’années pour des terrains plus élevés.
Des totems traditionnels surplombent le village de Taholah. Sculptés dans du cèdre, ces totems dépeignent des coutumes anciennes, de la pêche au canoë, honorant le lien avec la terre et les animaux.
Tsunami n’est peut-être pas un terme couramment entendu lorsqu’on parle de la météo aux Etats-Unis, mais pour le conseiller municipal Quinault, Ryan Hendricks, les exercices d’urgence étaient un élément habituel, quoique terrifiant, de son enfance.
« J’ai vécu quatre évacuations liées à un tsunami ici depuis que je suis enfant », a-t-il expliqué. « Et le plus gros souci, maintenant que j’ai ma propre famille, c’est que cela se produise la nuit. Nous avons la chance d’avoir des sirènes d’alerte au tsunami, mais on dit qu’elles sont bonnes pour environ 10 à 15 minutes de temps d’évacuation. Cela signifie : pas d’effets personnels, pas de photos. Vous êtes heureux de partir avec votre vie ».
Déplacer les communautés affectées par le climat
En novembre 2022, le gouvernement américain a accordé 25 millions de dollars, chacune, à trois communautés autochtones, dont les Quinault. À ce jour, il s’agit de l’un des plus grands efforts du pays pour déplacer les communautés menacées par les effets catastrophiques du changement climatique.
Pour la Nation Quinault, autogérée depuis 1990, le processus de relocalisation a commencé il y a deux décennies, incluant le déménagement de la clinique de santé de la communauté.
« Les dollars que nous avons reçus jusqu’à présent, nous en sommes très reconnaissants, mais c’est le quart de ce qu’il en coûtera pour monter sur la colline », a déclaré Guy Capoeman, Président de la Nation Quinault.
Johannes Cullmann, Vice-président d’ONU-Eau, a expliqué que la crise climatique « est avant tout une crise de l’eau ».
Sur fond d’élévation du niveau de la mer due à la fonte des glaciers et d’évolution du régime des précipitations, des périodes de sécheresse plus longues sont liées à la multiplication des incendies, a-t-il souligné. « Tout notre environnement change si les précipitations changent, car c’est cette humidité dans nos écosystèmes [et] dans les sols qui permet à nos plantes de pousser, mais nous protège également de la chaleur et de la sécheresse extrêmes ».
Sécheresse en Arizona
À environ 2.400 kilomètres de là, à Phoenix, en Arizona, située dans le désert de Sonora, une méga-sécheresse de 23 ans suscite des inquiétudes quant à la manière dont la ville peut maintenir son approvisionnement en eau. La ville est actuellement aux prises avec une vague de chaleur. Juillet a vu 31 jours consécutifs de températures supérieures à 43 °C (110 °F), battant le précédent record de 18 jours établi en juin 1974.
L’Organisation météorologique mondiale (OMM) a déclaré juillet 2023 le mois le plus chaud jamais enregistré.
Une équipe d’employés et de bénévoles du nouveau bureau de la réponse et de l’atténuation de la chaleur de la ville de Phoenix – le premier du genre aux États-Unis – s’emploie à fournir rapidement de l’eau à la population sans-abri de la ville.
Michelle Litwin, responsable du programme d’intervention en cas de chaleur, mène des activités de sensibilisation dans les zones vulnérables quatre fois par semaine.
« Il y a certainement un sentiment d’urgence plus élevé », a-t-elle déclaré. « Nous constatons malheureusement que le nombre de décès liés à la chaleur va dans la mauvaise direction chaque été ».
‘Bassin mort’
L’approvisionnement en eau autrefois robuste de Phoenix à partir du réseau fluvial Salt and Verde et du fleuve Colorado, qui dessert 40 millions de personnes dans l’ouest des États-Unis, a diminué. Les principaux réservoirs le long du fleuve sont tombés à des niveaux dangereusement bas, dont une grande partie a été perdue à cause de la surexploitation chronique et de la sécheresse.
« Environ 60% de notre eau provient de ces fleuves, un peu moins de 40% provient du fleuve Colorado et une petite quantité provient des eaux souterraines », a indiqué Kathryn Sorensen, Directrice de recherche au Kyl Center for Water Policy à Arizona State University. « C’est un défi pour nous, surtout lorsqu’on considère la rareté et le potentiel d’un ‘bassin mort’ ».
‘Bassin mort’ est le terme inquiétant utilisé pour décrire la présence d’eau dans un réservoir tombant à un niveau si bas qu’elle ne peut pas s’écouler en aval du barrage. Pour résoudre ce problème, a-t-elle déclaré, Phoenix a investi environ 500 millions de dollars pour déplacer l’approvisionnement en eau du réseau fluvial Salt et Verde dans des zones qui dépendent aujourd’hui du fleuve Colorado.
Approches régionales et mondiale nécessaires
Johannes Cullmann, d’ONU-Eau, souligne que les sécheresses ne respectent pas les frontières et doivent être traitées au niveau régional, voire au niveau mondial.
Alors que la Semaine mondiale de l’eau a commencé le 20 août à Stockholm, des experts et des personnes touchées par la crise de l’eau se réuniront « pour explorer comment l’eau peut être un outil puissant pour faire face à la crise climatique, au réchauffement climatique, à la perte de biodiversité, à la pauvreté et à de nombreux autres défis liés à l’eau », a-t-il déclaré.
Les sujets qui y sont discutés trouveront sans aucun doute un écho auprès de Mme Sorensen en Arizona et de M. Capoeman dans l’État de Washington.
« Dans notre ville désertique, nous n’avons jamais eu le luxe de prendre l’eau pour acquise », a déclaré Mme Sorensen. « Je pense qu’il est vraiment important de changer de culture ».
Bien que M. Capoeman ait déclaré qu’il ne forcerait aucun membre de sa communauté à déménager, il a ajouté que des changements devaient se produire pour assurer sa sécurité et son mode de vie. « Parce que sans ce mode de vie – cette vision du monde qui vient de cet environnement – qui sommes-nous ? », s’est-il demandé