Conscients de l’urgence d’atteindre les objectifs de développement durable (ODD) d’ici 2030, les dirigeants mondiaux, mais aussi des représentants des institutions financières et des banques multilatérales de développement, des personnalités du secteur privé et de la société civile, ont participé mercredi à un Dialogue de haut niveau sur le financement du développement.
Objectif : présenter des solutions innovantes et pratiques visant à prodiguer un meilleur financement et à s’attaquer à la grande fracture financière entre pays développés et pays en développement qui menace la réalisation des ODD.
Libérer les pays du piège de la dette
« Les pays en développement sont confrontés à des coûts d’emprunt jusqu’à huit fois plus élevés que ceux des pays développés », a averti le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, dans un discours d’ouverture de ce dialogue de haut niveau intitulé « Financer les ODD pour un monde où personne n’est laissé pour compte » et organisé en marge du débat général annuel de l’Assemblée générale des Nations Unies.
« Ce piège de la dette expose un pays sur trois dans le monde à un risque élevé de crise budgétaire. Et Plus de 40% des personnes touchées par l’extrême pauvreté vivent dans des pays confrontés à de graves problèmes d’endettement », a ajouté le chef de l’ONU.
Organisé tous les quatre ans depuis 2015 dans le cadre de l’Assemblée générale, à la suite de l’adoption du Programme d’action d’Addis-Abeba – la feuille de route pour le financement des ODD, cet événement a lieu à une période critique, au moment où seulement 15% des cibles des ODD sont en bonne voie.
Le Secrétaire général n’a donc pas manqué de rappeler que « le déficit de financement des Objectifs de développement durable est devenu un gouffre, estimé à 3.900 milliards de dollars par an ». En outre, les perspectives économiques difficiles dus aux effets persistants de la pandémie de COVID-19, aux conflits et à l’intensification du changement climatique, pèsent toujours plus lourdement sur le financement des ODD.
Réformer l’architecture financière
L’augmentation agressive du financement des ODD nécessitera des approches innovantes, des décisions politiques audacieuses et de nouvelles sources de financement. Les États membres s’accordent donc avec la proposition du Secrétaire général des Nations Unies de stimuler les ODD par le versement d’au moins 500 milliards de dollars par an, clé du financement abordable et à long terme du développement.
Ils soutiennent également son appel en faveur de réformes plus profondes et à plus long terme de l’architecture financière internationale, qui ne joue pas actuellement son rôle de filet de sécurité pour tous les pays concernés et tend plutôt à exacerber les inégalités entre nations.
« Le fossé se creuse entre les pays qui peuvent accéder à des financements à des conditions raisonnables et ceux qui ne le peuvent pas et se retrouvent encore plus à la traîne », a rappelé António Guterres.
« Cette architecture a été créée à une époque où de nombreux pays en développement étaient encore sous domination coloniale. Elle est profondément déséquilibrée en faveur des pays développés, et n’a pas évolué au même rythme que la croissance de l’économie mondiale. Le capital versé de la Banque mondiale, exprimé en pourcentage du PIB mondial, représente un cinquième de ce qu’il était en 1960 », a ajouté le chef de l’ONU, appelant à un nouveau Bretton Woods où les pays pourront s’entendre sur une architecture financière reflétant les réalités économiques et les relations de pouvoir d’aujourd’hui.
Privilégier des approches innovantes
Rappelant qu’il est essentiel de diversifier les sources de financement ainsi que d’élaborer de nouvelles politiques et stratégies alignées sur les ODD, le Secrétaire général s’est félicité du soutien que le G20 a apporté au plan de relance des objectifs de développement durable, au renforcement des banques multilatérales de développement et à l’augmentation du financement du développement et de l’action climatique.
De même, la déclaration adoptée lors du Sommet sur les objectifs de développement durable, qui s’est déroulée les 18 et 19 septembre à New York, traduit, selon lui, un « appui retentissant » en faveur de mesures de financement solides.
L’augmentation des prêts des banques multilatérales de développement (BMD) et la reconnaissance croissante du rôle important des banques publiques de développement (APB) ont ainsi contribué à répondre à la demande accrue de financement du climat et du développement. Mais une mobilisation massive de capitaux privés est également nécessaire.
Aux yeux d’António Guterres, la recapitalisation et le renforcement de la coordination permettraient aux banques privées de modifier leur approche du risque, d’améliorer leurs conditions de prêt et de mobiliser de très nombreux financements privés à un coût raisonnable au profit des pays en développement.
Les États pourraient aussi, selon lui, mettre en place un mécanisme efficace de renégociation de la dette qui permette les suspensions de paiement, associe les créanciers privés et soit ouvert aux pays à revenu intermédiaire.
« Ils peuvent également accroître les financements d’urgence lorsque les pays rencontrent des difficultés », suggère le Secrétaire général, qui préconise la réorientation de 100 milliards de dollars supplémentaires de droits de tirage spéciaux, ainsi que la mise au point d’autres moyens innovants d’aider les pays dans le besoin.
En finir avec un monde à deux vitesses
« Il nous faut maintenant passer d’urgence des paroles aux actes », a-t-il conclu,
« Parce que les Objectifs de développement durable – cette promesse faite aux peuples du monde – ne peuvent pas attendre. Un monde à deux vitesses, partagé entre nantis et démunis, est déjà à l’origine d’une crise de confiance à l’échelle mondiale ».
S’appuyant sur les résultats du Forum 2023 de l’ECOSOC sur le suivi du financement du développement, le Dialogue de haut niveau de 2023 alimentera les réunions annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et du Groupe de la Banque mondiale en octobre de cette année et ouvrira la voie au Sommet de l’avenir qui se tiendra en 2024.
Le Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, Dennis Francis, a aussi jugé urgent une réforme des institutions financières internationales et de l’architecture financière internationale.
« Il est absolument clair que l’architecture financière actuelle n’a pas réussi à mobiliser le financement stable, à long terme et équitable nécessaire pour atteindre les objectifs de développement durable. Nous ne pouvons plus nous permettre de faire l’autruche et d’ignorer ce qui est écrit sur le mur. Nous devons revoir fondamentalement notre approche de la gouvernance économique mondiale », a-t-il dit dans un discours.
Selon lui, chaque nation – quelle que soit sa taille ou son niveau de développement – doit avoir une place égale à la table des décisions économiques mondiales.
« Le moment est venu de consolider cet engagement, et le lieu de cette action impérative est ici – au plus haut niveau de prise de décision et par l’institution conçue précisément à cet effet. Les Nations Unies ont déjà pris des mesures résolues pour adhérer à cet engagement de transformation et, en effet, je félicite le Secrétaire général d’avoir lancé le plan de relance des ODD – un plan d’une immense ambition et d’une urgence immense », a-t-il ajouté.