Les journalistes en exil ne sont pas épargnés par la répression, prévient une experte de l’ONU

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Irene Khan, Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la liberté d’expression et d’opinion.

« La tendance à la hausse du nombre de journalistes en exil et les attaques contre eux suivent la montée de l’autoritarisme et la suppression de la liberté des médias dans diverses régions du monde », a déploré Mme Khan lors de la présentation de son dernier rapport au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève.

« Malheureusement, l’exil n’assure pas toujours la sécurité des journalistes et est souvent marqué par de multiples défis », a-t-elle ajouté.

La Rapporteure spéciale a identifié quatre défis auxquels sont confrontés les journalistes en exil. Nombre d’entre eux courent un grave danger en raison de la montée alarmante de la répression transnationale de la part de leurs gouvernements d’origine, notamment des assassinats, des agressions, des enlèvements, des disparitions forcées, des poursuites par contumace sur la base d’accusations forgées de toutes pièces et des représailles contre des membres de leurs familles.

Intimider et réduire au silence

« L’objectif est de gêner, d’intimider et de réduire au silence les journalistes et leurs sources, et de créer un environnement de peur et d’insécurité dans lequel prévaut l’autocensure au détriment de la liberté d’expression », a-t-elle expliqué, ajoutant que la sécurité des journalistes est doublement menacée lorsque le pays hôte est de connivence avec l’État d’origine, « par exemple dans le cadre d’enlèvements transfrontaliers, de restitutions et d’extraditions, ou lorsqu’il ne parvient pas à enquêter et à poursuivre les attaques extraterritoriales. »

Mme Khan, a, par ailleurs noté, une hausse de la répression numérique transnationale ces dernières années, notamment la violence en ligne, les campagnes de diffamation, la surveillance numérique ciblée, le piratage et le blocage des sites d’information.

« Les journalistes en exil étant fortement dépendants des médias sociaux et des outils numériques pour recueillir des informations, ils sont particulièrement vulnérables aux cyberattaques et aux menaces numériques émanant de leur gouvernement d’origine ou de leurs agents », a-t-elle dit. Comme il est souvent impossible d’identifier et de poursuivre en justice les responsables de ces attaques, l’impunité prévaut, ce qui encourage les auteurs de ces attaques.

Les femmes journalistes en exil particulièrement vulnérables

L’experte a également observé que les femmes journalistes en exil, en particulier celles qui vivent sans leur famille ou qui n’ont aucun statut légal dans le pays d’accueil, sont particulièrement vulnérables, citant la violence sexuelle et sexiste en ligne et hors ligne, les menaces de viol, le doxing, le harcèlement et les campagnes de diffamation orchestrées comportant des éléments hautement sexualisés et misogynes qui ont grimpé en flèche ces dernières années.

Selon Mme Khan, le statut juridique précaire de nombreux journalistes dans leur pays de refuge est une source de précarité. « Seule une poignée d’États offrent d’urgence des visas humanitaires, des permis de travail ou des opportunités de réinstallation aux journalistes », a-t-elle dit, soulignant que la demande dépasse largement l’offre.

« Souvent, les journalistes fuient vers les pays voisins et vivent sans statut légal formel, ce qui les rend vulnérables à l’arrestation et à l’expulsion, ou à l’enlèvement et aux attaques de l’autre côté de la frontière », a-t-elle alerté. Cette absence de statut juridique adéquat affecte également leur capacité à continuer à travailler dans le domaine du journalisme, a-t-elle ajouté, expliquant que de nombreux journalistes payent un lourd tribut en raison du vide juridique et du manque de soutien personnel auxquels ils sont confrontés et que nombre d’entre eux ont ainsi abandonné leur profession.

Pour la Rapporteure spéciale, les journalistes en exil méritent davantage de soutien. « Ils répondent à un besoin social vital en fournissant des informations d’intérêt public au public national et étranger », a-t-elle rappelé. « Ils constituent souvent une source d’information indépendante importante sur les pays où la liberté d’expression est sévèrement restreinte ».

Suite à ces constats, Mme Khan a exhorté le Conseil à accorder une attention plus spécifique à la question du « ciblage extraterritorial » ou de la « répression transnationale », qui est une violation flagrante du droit international. Ni l’impunité ni la collusion ne doivent être tolérées, a-t-elle déclaré. Elle a en outre exhorté les États à élargir les programmes de visas et à encourager les bailleurs de fonds et la société civile à apporter un soutien plus fort aux journalistes en exil.

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