Rassemblés dans l’enceinte de l’Assemblée générale de l’ONU, à New York, les États Membres de l’Organisation ont adopté à 93 voix pour, huit contre et 73 abstentions un projet de résolution rédigé par les États-Unis, appelant à mettre fin « dans les plus brefs délais » au conflit et plaidant en faveur d’une paix durable entre l’Ukraine et la Russie.
Fait notable, contrairement aux précédentes résolutions de l’ONU sur la question, le court texte proposé par Washington omettait initialement tout commentaire quant à la responsabilité russe dans l’éclatement de la guerre, simplement qualifiée de « conflit entre la Fédération de Russie et l’Ukraine ».
« Les Nations Unies ont déjà condamné à maintes reprises les violations flagrantes de la Charte des Nations Unies par la Russie », a rappelé la représentante américaine avant le vote.
« Ces résolutions n’ont pas réussi à mettre un terme à la guerre », a-t-elle déclaré, appelant les Etats Membres à se tourner vers l’avenir et non vers le passé.
De son côté, le représentant russe a qualifié l’initiative américaine de « pas dans la bonne direction ».
Trois amendements européens
Toutefois, à la demande de l’Union européenne (UE), le projet de texte américain a été amendé afin d’y faire figurer l’expression habituellement utilisée aux Nations Unies pour désigner le conflit, à savoir « l’invasion totale de l’Ukraine par la Fédération de Russie ».
Un deuxième amendement, également à la demande l’Union européenne, a rajouté un paragraphe réaffirmant l’attachement de l’Assemblée « à la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, s’étendant jusqu’à ses eaux territoriales ».
Un troisième et dernier amendement de l’UE a changé l’appel initial du projet de résolution à « une paix durable » en appel à « une paix juste, durable et globale entre l’Ukraine et la Fédération de Russie, conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes d’égalité souveraine et d’intégrité territoriale des États ».
Les États-Unis, qui s’étaient opposés aux amendements européens, ont fini par s’abstenir de voter en faveur de leur propre texte, de même que l’Ukraine. La Russie a quant à elle voté contre.
Adoption du projet ukrainien
Un peu plus tôt, l’Assemblée générale a adopté un projet de résolution rédigé par l’Ukraine et soutenu par ses alliés européens, exigeant de la Russie qu’elle « retire immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires du territoire ukrainien » et demandant que « cessent immédiatement les hostilités menées par la Fédération de Russie contre l’Ukraine, en particulier toute attaque contre les civils et les biens de caractère civil ».
« Nous devons réaffirmer que l’agression russe doit être condamnée et discréditée, et non récompensée », a insisté la représentante de l’Ukraine avant le vote.
« La seule façon, comme l’a déclaré notre Président Volodymyr Zelensky, de garantir une paix globale, juste et durable est de réaffirmer notre engagement envers la Charte des Nations Unies », a-t-elle ajouté.
Adoptée à 93 voix pour, 18 contre et 65 abstentions, avec l’opposition notable des États-Unis et celle, attendue, de la Russie, cette résolution concurrente met en évidence l’existence de divergences de stratégies au sein de l’alliance transatlantique formée par Washington, Kiev et les autres nations européennes depuis l’éclatement du conflit il y a trois ans.
Le Conseil de sécurité adopte une résolution
Dans l’après-midi de lundi, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté sa première résolution sur la crise ukrainienne depuis le début de la guerre totale, en février 2022.
À l’initiative des États-Unis, il s’agissait du même texte que celui introduit plus tôt dans la journée par le pays à l’Assemblée générale.
Mais à la différence du sort réservé au projet de résolution américain dans la matinée, les trois amendements proposés par les pays européens membres du Conseil (France, Royaume-Uni, Grèce, Danemark et Slovénie) ont tous été rejetés.
Adoptée à neuf voix pour, aucune voix contre et l’abstention des cinq membres européens du Conseil, la résolution demande qu’il soit mis fin au conflit « dans les plus brefs délais » et plaide pour « une paix durable entre l’Ukraine et la Fédération de Russie ».
Elle déplore en outre les pertes en vies humaines causées par « le conflit entre la Fédération de Russie et l’Ukraine ».
L’adoption de ce texte marque donc un changement dans les termes employés pour caractériser le conflit à l’ONU et confirme des divergences constatées dans l’enceinte de l’Assemblée entre les États-Unis et leurs alliés européens.
Plus de 10 millions de déplacés
Parallèlement aux délibérations politiques de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, le plus haut responsable de l’ONU pour les réfugiés, Filippo Grandi, a insisté lundi sur les conséquences dévastatrices du conflit pour les civils ukrainiens.
« Leur sort devrait être au cœur des préoccupations de chacun, même si les événements politiques occupent le devant de la scène », a affirmé M. Grandi dans une déclaration à la presse.
« Alors que nous célébrons trois ans de guerre dévastatrice en Ukraine, des millions d’Ukrainiens ordinaires, soit un tiers de la population actuelle, ont désespérément besoin d’aide humanitaire », a-t-il ajouté.
Le Haut-Commissaire pour les réfugiés a en effet rappelé que la guerre en Ukraine avait contraint plus de 10 millions de personnes à trouver refuge dans d’autres régions du pays ou à l’étranger.
Quoique la plupart d’entre eux aient fui durant les premières phases de l’invasion, M. Grandi a souligné que la poursuite des raids aériens russes continuait de causer chaque jour de nouveaux déplacements.
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200.000 déplacés supplémentaires
Au cours des six derniers mois, il a précisé que plus de 200.000 personnes avaient été évacuées des zones de front dans l’est et le nord de l’Ukraine.
Le Haut-Commissaire a en outre déploré les attaques incessantes contre les infrastructures civiles du pays, notamment les centrales électriques, qui ont privé de chauffage et d’électricité de nombreuses personnes.
À cela s’ajoute le fait que plus de deux millions de foyers ukrainiens ont été endommagés ou détruits, soit l’équivalent de 10 % du parc immobilier.
Alors que 60 % des réfugiés ukrainiens espèrent pouvoir un jour rentrer chez eux, M. Grandi a mentionné les obstacles auxquels ils sont confrontés pour trouver un emploi et un logement.
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Depuis les premiers jours de la guerre, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) soutient la réponse humanitaire et les efforts de relèvement en Ukraine et dans les pays qui accueillent à l’heure actuelle près de sept millions de réfugiés du pays.
« Alors que nous franchissons ce jalon sombre et sanglant, le HCR reste sur le terrain en Ukraine », a-t-il déclaré.
Dans ce cadre, le haut responsable a appelé à renforcer l’aide internationale apportée au pays et à mettre fin aux « massacres de civils, attaques incessantes et destructions de maisons et d’infrastructures civiles ».
L’appel de M. Grandi faisait écho à la déclaration publiée dimanche par le chef de l’ONU, António Guterres, dans laquelle il a rappelé que l’invasion russe de l’Ukraine était une « violation flagrante de la Charte des Nations Unies et du droit international ».
« Après trois années de mort et de destruction, j’appelle une fois de plus à une désescalade urgente et à une cessation immédiate des hostilités », a déclaré M. Guterres.
« Ça suffit », s’est-il impatienté.
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Un conflit qui remonte à 2014
De sont côté, le Coordonnateur résident et humanitaire de l’ONU pour l’Ukraine, Matthias Schmale, a noté lundi que le « cauchemar pour les Ukrainiens » n’avait pas commencé il y a trois ans, mais en 2014, lorsque « les frontières internationalement reconnues de l’Ukraine ont été violées ».
Cette année-là, M. Schmale a en effet rappelé, dans un communiqué de presse, « l’annexion illégale » par la Russie de la République autonome de Crimée et les « hostilités prolongées » dans les deux régions séparatistes pro-russes de Donetsk et de Louhansk, à l’est du pays.
« De nombreux enfants nés depuis 2014 n’ont jamais connu la paix dans leur pays d’origine », a déploré le Coordonnateur humanitaire.
Depuis l’éclatement de la guerre totale, en février 2022, il a rappelé que plus de 12.600 civils ont trouvé la mort et plus de 29.000 ont été blessés dans les frappes aériennes et tirs de drones russes, qui atteignent désormais la frontière occidentale de l’Ukraine.
« Aucun endroit en Ukraine n’est sûr », a constaté M. Schmale.
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Un message d’espoir
Malgré ce sombre tableau, le Coordinateur humanitaire a lancé un message d’espoir.
Au cours de ces déplacements sur le territoire ukrainien, il a constaté que les habitant du pays, loin de céder au désespoir, n’avaient de cesse de tenter de reconstruire leur pays et de se soutenir les uns les autres.
« J’ai vu des écoliers désireux d’apprendre dans des abris souterrains, des vétérans blessés par la guerre s’entraîner au déminage humanitaire, des personnes déplacées créer des entreprises durables à partir de rien », a-t-il déclaré.
« J’ai vu des femmes leaders défendre leurs communautés, des jeunes déterminés à participer à la reconstruction et au rétablissement, et des communautés vulnérables, notamment des Roms et des personnes handicapées, s’exprimer pour l’avenir et contre l’injustice ».