« À maintes reprises, l’ONU a fait la preuve son pouvoir fédérateur et de sa capacité de former de vastes coalitions et de faciliter les efforts diplomatiques… Notre Organisation est et doit rester la colonne vertébrale du multilatéralisme », a dit le chef de l’ONU à l’occasion de la publication de sa note d’orientation sur le Nouvel Agenda pour la paix.
« Dans notre monde fracturé et troublé, il incombe aux États de préserver notre institution universelle ; il y va de leur intérêt à tous. N’attendons pas d’être enlisés dans les dissensions et les fractures : C’est maintenant qu’il nous faut agir », a-t-il ajouté.
Tensions géopolitiques
Le Secrétaire général a noté que la nouvelle ère est « déjà marquée par un niveau de tensions géopolitiques et de concurrence entre grandes puissances jamais atteint depuis des décennies ».
Il a observé également que de nombreux États membres sont de plus en plus sceptiques quant à l’efficacité du système multilatéral et que les violations du droit international sont de plus en plus fréquentes. « Des griefs profonds et, dans certains cas, justifiés, quant à la pratique de deux poids, deux mesures et aux engagements non respectés viennent nuire à la coopération », a-t-il souligné.
Mais les menaces nouvelles et émergentes auxquelles est confronté le monde exigent une action urgente et concertée, a-t-il ajouté, citant les conflits « plus complexes, plus meurtriers et plus difficiles à résoudre », les inquiétudes quant à la possibilité d’une guerre nucléaire, les inégalités qui se creusent, le recul des droits des femmes, la défiance accrue à l’égard des institutions publiques, le terrorisme, l’urgence climatique, et l’invasion de l’Ukraine.
Selon M. Guterres, les cadres de coopération mondiale ne se sont pas adaptés à ce nouveau paysage mondial. Dans la déclaration des 75 ans de l’ONU, il lui a été demandé d’étudier les menaces mondiales et de formuler des recommandations concrètes sur la manière d’y répondre.
Sa note d’orientation sur le Nouvel Agenda pour la paix présente un ensemble « complet et ambitieux de recommandations qui tiennent compte de la nature interdépendante de bon nombre de ces défis », a-t-il dit aux Etats membres.
Propositions d’action concrètes
Ces propositions d’action concrètes s’inscrivent dans cinq domaines prioritaires.
La première des priorités est, selon le chef de l’ONU, de prendre des « mesures énergiques pour renforcer la prévention au niveau mondial, en remédiant aux risques stratégiques et aux divisions géopolitiques ».
La note d’orientation appelle les États Membres à s’engager à nouveau de toute urgence en faveur d’un monde exempt d’armes nucléaires et à renforcer les normes mondiales visant à prévenir l’utilisation et la prolifération de ces armes.
Elle appelle aussi tous les pays à donner la priorité à la diplomatie, « afin que l’humanité ne devienne pas un dommage collatéral d’une compétition géopolitique à outrance entre grandes puissances ».
Dans le deuxième domaine d’action prioritaire, la note d’orientation propose une vision de la prévention des conflits et de la violence et du maintien de la paix qui s’applique à tous, dans chaque pays, à chaque instant.
Elle appelle à un nouveau paradigme de la prévention, qui combatte la violence sous toutes ses formes, privilégie la médiation, promeut la cohésion sociale ; qui donne la priorité aux liens entre le développement durable, l’action climatique et la paix ; et qui est ancré dans le plein respect de tous les droits humains – civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.
La note d’orientation appelle également à une transformation des dynamiques de pouvoir genrées dans tous les domaines, notamment en matière de paix et de sécurité.
Le Nouvel Agenda pour la paix appelle aussi les États Membres à réduire leurs dépenses militaires et à interdire les armes inhumaines et d’emploi aveugle.
Nouvelle génération de missions d’imposition de la paix
La troisième priorité porte sur une révision de l’approche des opérations de paix, en tenant compte des réalités des conflits actuels.
La note d’orientation invite à une réflexion approfondie et rigoureuse sur l’avenir des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, en vue d’élaborer des modèles de missions souples, modulables et dotées de stratégies de transition et de sortie appropriées.
Le Conseil de sécurité est invité instamment à autoriser les organisations régionales et sous-régionales à mener des missions d’imposition de la paix. « Ces missions devraient être pleinement conformes à la Charte des Nations Unies, au droit international humanitaire et au droit international des droits de humains, et accompagnées d’initiatives politiques inclusives visant à promouvoir la paix », a souligné le Secrétaire général.
Il a noté qu’aucun continent n’a autant besoin de cette nouvelle génération de missions d’imposition de la paix que l’Afrique, où la prolifération des groupes armés non étatiques, y compris des groupes terroristes, qui opèrent de part et d’autre des frontières constitue une menace grave et croissante dans plusieurs régions du continent.
Le Nouvel Agenda pour la paix réaffirme la volonté de mettre en place des missions d’imposition de la paix et des opérations antiterroristes qui seraient dirigées par des pays africains, qui seraient dotées d’un mandat du Conseil de sécurité établi en vertu du Chapitre VII et du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies et dont le financement serait assuré par des contributions statutaires.
La quatrième priorité est d’empêcher la militarisation des nouveaux domaines et des nouvelles technologies et de promouvoir l’innovation responsable.
La note d’orientation présente des propositions détaillées à l’intention des États membres visant à empêcher les affrontements de se propager dans l’espace et le cyberespace.
Le Secrétaire général a invité les États Membres à adopter, d’ici à 2026, un instrument juridiquement contraignant en vue d’interdire les systèmes d’armes létaux autonomes qui fonctionnent sans contrôle humain.
La cinquième priorité est de revoir le mécanisme de sécurité collective afin d’en restaurer la légitimité et l’efficacité.
Dans la note d’orientation, le chef de l’ONU recommande de réformer de toute urgence le Conseil de sécurité pour le rendre plus juste et plus représentatif, et de démocratiser ses procédures. Il propose de revitaliser les travaux de l’Assemblée générale et de réformer les mécanismes de désarmement et de renforcer le rôle de la Commission de consolidation de la paix.