Les années passent, les questions restent. Huit ans se sont écoulés depuis l’assassinat de Camille Lepage, dans la région de Bouar, à l’ouest de la RCA, mais les circonstances de sa mort ne sont toujours pas éclaircies et l’enquête est au point mort depuis des années. La jeune photoreporter de 26 ans a été tuée par balle le 12 mai 2014, alors qu’elle accompagnait un convoi d’anti-balakas (milice chrétienne) pour couvrir le pillage d’un village.
En France, une cinquième juge d’instruction vient d’être saisie du dossier, tandis qu’en RCA le procès a été renvoyé pour complément d’instruction. Ces dernières années, aucun acte d’enquête important n’a été effectué pour identifier les motifs et les auteurs des tirs sur le convoi motorisé à bord duquel se trouvait Camille Lepage. Les témoins n’ont pas tous été interrogés, certaines pistes n’ont pas été explorées, aucune reconstitution des faits n’a été effectuée et le dossier d’instruction est même resté introuvable pendant plusieurs mois en RCA, comme l’avait dénoncé RSF.
« Les difficultés liées au contexte sécuritaire ou sanitaire ne peuvent pas justifier l’absence totale d’implication des autorités judiciaires françaises et centrafricaines ces dernières années pour identifier les auteurs de cette embuscade meurtrière et leur mobile, déclare le responsable du bureau Afrique de RSF Arnaud Froger. Que la justice se donne les moyens d’avancer et de connaître la vérité est le minimum que l’on puisse attendre. »
Plusieurs thèses concernant le mobile de l’attaque ont été évoquées, dont celle d’une embuscade criminelle dans laquelle serait tombé le convoi des miliciens anti-balakas avec lesquels se trouvait la journaliste. La piste d’un règlement de compte intra-milice a été rapidement écartée. Trop vite selon Vincent Fillola, l’avocat de la famille Lepage, qui déplore que la justice française n’ait déployé « ni les moyens ni la volonté nécessaire » pour que l’enquête avance.
Depuis 2013, la RCA est plongée dans une crise sécuritaire qui a fait de nombreuses victimes. Les journalistes centrafricains Elisabeth Blanche Olofio, Désiré Luc Sayenga et René Padou ont eux aussi été tués dans l’exercice de leur fonction au plus fort de la crise en 2014. Quatre ans plus tard, les trois journalistes d’investigation russes Orhan Djemal, Kirill Radtchenko et Alexandre Rasstorgouïev, qui enquêtaient sur la présence de mercenaires de leur pays en RCA, ont été assassinés dans des circonstances troubles. L’opacité totale dans laquelle ont été menées les investigations avait conduit RSF à demander l’ouverture d’une enquête internationale. Plus récemment, plusieurs articles de presse ont rapporté le décès suspect de Jean Sinclair Maka Gbossokotto, journaliste et directeur de publication de Anti Intox RCA.