Alors que la Corne de l’Afrique connaît sa pire sécheresse depuis plus de quatre décennies, treize millions de personnes sont confrontées à une famine grave au Kenya, en Somalie et en Éthiopie, a alerté mardi le Programme alimentaire mondial (PAM).
Dans cette partie orientale du continent africain, trois années ont passé sans une véritable saison de pluies, conduisant la région à enregistrer ses conditions les plus sèches depuis 1981, a indiqué l’agence des Nations Unies. Finalement, ces trois mauvaises saisons consécutives et de déficit pluviométrique ont décimé les cultures. Elles ont aussi provoqué une mortalité anormalement élevée du bétail, a détaillé le PAM.
L’eau et les pâturages se font rares et les prévisions de précipitations inférieures à la moyenne pour les mois à venir ne font qu’aggraver la vulnérabilité des populations. Ces manques obligent donc les familles à quitter leur foyer, entraînant ainsi « une recrudescence des conflits entre les communautés ».
« Les récoltes sont ruinées, le bétail meurt et la faim augmente alors que des sécheresses récurrentes affectent la Corne de l’Afrique », a déclaré dans un communiqué Michael Dunford, Directeur régional du PAM en Afrique de l’Est.
Une crise combinant Covid-19, conflit et changement climatique
Sur le terrain, les enfants sont encore plus menacés. « Ces enfants paient le plus lourd tribut à des crises dont ils ne sont pas responsables », a déclaré lors d’une conférence virtuelle depuis Nairobi (Kenya), Mohamed Fall, Directeur régional de l’UNICEF pour l’Afrique orientale et australe, ajoutant que cette crise due au climat prive les enfants « d’un foyer, d’un repas, d’une salle de classe et de l’accès à des services de santé vitaux ».
Cette crise liée à la sécheresse est aggravée par la hausse des prix des aliments de base, l’inflation et la faible demande de main-d’œuvre agricole. « La région ne peut pas faire face à une nouvelle tempête combinant Covid-19, conflit et changement climatique », a une nouvelle fois mis en garde le responsable de l’UNICEF.
Au total, l’UNICEF prévoit que jusqu’à 20 millions de personnes en Érythrée, en Éthiopie, au Kenya et en Somalie auront besoin d’eau et de nourriture au cours des six prochains mois. C’est presque l’équivalent de la population de la Grèce et de la Suède réunies. « La situation des enfants et des familles dans la Corne de l’Afrique est terrible. Ils sont désespérés », a fait valoir M. Fall, prévenant que « des millions de vies sont en jeu ».
5,5 millions d’enfants menacés de malnutrition aiguë en Érythrée, Éthiopie, Kenya et Somalie
Plus largement, la sécheresse a touché les populations pastorales et agricoles du sud et du sud-est de l’Éthiopie, du sud-est et du nord du Kenya et du centre-sud de la Somalie. Quelque 5,7 millions de personnes ont ainsi besoin d’une aide alimentaire dans le sud et le sud-est de l’Éthiopie, dont un demi-million d’enfants et de mères souffrant de malnutrition.
En Somalie, le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë (IPC 3+) devrait passer de 3,5 millions à 4,6 millions d’ici mai, à moins que des interventions urgentes ne soient menées. Au Kenya voisin, le gouvernement a déclaré la sécheresse comme une urgence nationale en septembre 202. Dans le sud-est et le nord de ce pays, 2,8 millions de personnes supplémentaires ont besoin d’aide.
De plus en plus de familles ont dû mal à acheter de la nourriture. À l’heure actuelle, près de 5,5 millions d’enfants d’Érythrée, d’Éthiopie, du Kenya et de Somalie sont menacés par la malnutrition aiguë et environ 1,4 million par la malnutrition aiguë sévère.
L’UNICEF craint même une hausse de 50%, si les pluies ne viennent pas dans les trois prochains mois. « Rien qu’en Somalie, on estime que 1,3 million d’enfants de moins de 5 ans sont menacés par la malnutrition, dont environ 295.000 cas graves », a insisté M. Fall, redoutant une aggravation de la situation.
Eviter le scénario somalien de 2011 quand 250.000 personnes sont mortes de faim
D’autant que de nouvelles prévisions de précipitations inférieures à la moyenne menacent d’aggraver les conditions désastreuses dans les mois à venir. Et pour tous les organismes onusiens, l’urgence est d’éviter la répétition d’une crise comme celle de la Somalie en 2011, où 250.000 personnes sont mortes de faim pendant une sécheresse prolongée. « La situation exige une action humanitaire immédiate et un soutien constant pour renforcer la résilience des communautés pour l’avenir », a ajouté M. Dunford.
Dans les trois pays touchés par la sécheresse, le PAM fournit une aide alimentaire et nutritionnelle vitale aux communautés affectées. En outre, les subventions en espèces et les programmes d’assurance du PAM aident les familles à acheter de la nourriture pour maintenir leur bétail en vie ou les indemnisent pour leurs pertes.
En Ethiopie par exemple, l’objectif de fournir une aide alimentaire à près de 3 millions de personnes dans la région de Somali, de fournir un traitement nutritionnel à 585.000 enfants et mères souffrant de malnutrition et de fournir un traitement préventif contre la malnutrition à 80.000 ménages ayant des mères ou de jeunes enfants.
L’UNICEF et le PAM demandent 450 millions de dollars pour éviter une catastrophe
De plus, l’agence onusienne entend intensifier son aide alimentaire en Somalie pour soutenir 600.000 personnes supplémentaires au cours du premier semestre de cette année, pour atteindre un total de près de 2,5 millions. Au Kenya, le PAM vise à fournir une aide alimentaire d’urgence à près de 900.000 personnes dans les comtés les plus touchés, ainsi qu’à intensifier les programmes de traitement de la malnutrition pour les femmes et les enfants.
Les besoins sont énormes et urgents, et ils dépassent rapidement les fonds disponibles pour y répondre. Et pour répondre aux besoins immédiats de 4,5 millions de personnes au cours des six prochains mois, le PAM a besoin de 327 millions de dollars pour son Plan régional d’intervention contre la sécheresse dans la Corne de l’Afrique. De son côté, l’UNICEF a besoin de 123 millions pour ses opérations dans cette région.
« A défaut d’un financement, ce plan est juste bon pour la bibliothèque », a affirmé lors d’un point de presse de l’ONU à Genève, Tomson Phiri, porte-parole du PAM, relevant que la vie et l’avenir des populations en dépendent. Et pour éviter « une catastrophe », « il s’agit d’agir rapidement, d’agir maintenant, d’agir ensemble et d’agir dans différents secteurs », a conclu le Directeur régional de l’UNICEF pour l’Afrique orientale et australe.