Le Secrétaire général des Nations Unies a exhorté mardi les membres du Conseil de sécurité à tenir compte des défis de la guerre urbaine, demander des mesures de protection spéciales et utiliser tous les moyens à leur disposition « pour mettre fin aux dommages tragiques et évitables causés aux civils ».
« Lorsque les hostilités se déroulent dans les villes, les civils courent un risque beaucoup plus élevé d’être tués ou blessés », a déclaré António Guterres, prenant la parole devant les Quinze lors d’une réunion consacrée aux situations de conflit dans les contextes urbains.
Le chef de l’ONU a précisé que dans certains cas les civils étaient pris pour des combattants et que dans d’autres, les dommages causés aux civils étaient souvent entièrement prévisibles « mais les parties au conflit ne prennent pas de mesures pour les éviter ou les réduire ».
Plus de 50 millions de personnes sont aujourd’hui confrontées aux conflits en milieu urbain et aux dangers qui leur sont propres, a-t-il souligné.
Un risque élevé de conséquences aveugles
Le chef de l’ONU a averti que, lorsque des armes explosives sont utilisées dans des zones habitées, environ 90% des personnes tuées ou blessées sont des civils.
L’utilisation d’armes explosives en milieu urbain, en particulier celles qui ont un large rayon d’impact, comporte un risque élevé de conséquences aveugles. « Ces armes peuvent avoir des effets dévastateurs sur les civils, dans l’immédiat, ainsi qu’à long terme », a déploré M. Guterres, ajoutant qu’il existe de nombreuses victimes qui sont atteintes de handicaps permanents et de graves traumatismes psychologiques.
Le Secrétaire général a également signalé que les infrastructures d’eau, d’électricité et d’assainissement sont souvent endommagées; et que les services de santé sont gravement compromis.
« À Gaza, l’année dernière, des dizaines d’écoles et de centres de soins ont été endommagés lors des combats. Près de 800.000 personnes ont perdu l’accès à l’eau courante, ce qui a accru le risque de maladies tout en entravant davantage les soins de santé », a-t-il cité en exemple.
Il a également donné l’exemple de l’Afghanistan, où « une attaque aux explosifs devant un lycée de Kaboul en mai dernier a entraîné la mort de 90 élèves, principalement des filles, et fait 240 blessés ».
Au-delà des souffrances physiques et psychologiques, les dommages causés aux écoles ont aussi des effets indirects qui vont de l’interruption de l’éducation des enfants à l’augmentation de la probabilité de mariage précoce ou de recrutement dans des groupes armés, a-t-il fait valoir.
La destruction des zones urbaines fait reculer le développement
Selon le chef de l’ONU, les conflits en milieu urbain vont bien au-delà des conséquences immédiates qu’ils ont pour les civils.
De l’Afghanistan à la Libye, de la Syrie au Yémen et au-delà, les risques pour les civils augmentent lorsque des combattants circulent parmi eux et mettent des installations et du matériel militaire à proximité d’infrastructures civiles.
Une étude réalisée en 2020 au Yémen a montré que l’utilisation d’armes explosives lourdes dans les zones habitées avait perturbé l’ensemble des ressources et des systèmes du pays.
La guerre urbaine force des millions de personnes à quitter leur foyer, contribuant ainsi à un nombre record de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.
Les engins non explosés et les millions de tonnes de débris occasionnées par la guerre en milieu urbain présentent des risques tant pour l’environnement que pour la santé des populations. « Quatre ans après la destruction de 80% des habitations à Mossoul, en Iraq, on estime que 300.000 personnes sont toujours déplacées », a donné en exemple le chef de l’ONU.
En outre, la destruction massive dans les zones urbaines fait reculer le développement de plusieurs décennies, sapant les progrès vers les Objectifs de développement durable.
Des mesures concrètes pour atténuer le coût humain de la guerre urbaine
« Le coût humain effrayant que représente la guerre dans les villes n’est pas inévitable ; c’est un choix », a affirmé le Secrétaire général devant le Conseil.
Il a présenté une série de mesures visant à prévenir et à atténuer les effets des conflits en milieu urbain, affirmant que « toutes les parties doivent pleinement respecter le droit humanitaire international » et rappelant que « les attaques contre des civils ou des infrastructures civiles, les attaques aveugles et l’utilisation de civils comme boucliers humains sont interdites ».
Selon M. Guterres, les parties au conflit doivent « adapter leurs armes et leurs tactiques lorsqu’elles font la guerre dans les villes ». « Toutes les parties belligérantes doivent s’abstenir d’utiliser des armes explosives à large rayon d’impact dans les zones habitées », a-t-il dit, demandant aux États d’appliquer « instamment » les bonnes pratiques qui permettent de réduire les conséquences humanitaires de ces armes.
Il a souligné combien il était important que les Etats poursuivent les auteurs des violations graves et des crimes de guerre présumés. « Nous le devons aux victimes et à leurs proches – et c’est également crucial afin que cela soit un moyen de dissuasion puissant », a-t-il dit.
Aussi, la protection efficace des civils dans le contexte des guerres urbaines « exige des politiques et des pratiques supplémentaires efficaces qui vont au-delà de cet engagement ». Il a notamment appelé les belligérants à donner suite aux allégations de dommages causés aux civils et aux habitations, aux marchés et aux infrastructures civiles et en tirer des enseignements, afin d’évaluer l’impact de leurs opérations et de voir comment minimiser les dommages ; ou encore consigner le nombre de victimes pour aider à faire la lumière sur le sort des personnes disparues, à trouver des moyens de minimiser les dommages causés aux civils.
« Les parties à un conflit doivent veiller à ce que leurs forces armées soient formées à suivre ces politiques et pratiques, ainsi que d’autres bonnes pratiques », a dit M. Guterres ajoutant que « tous les États devraient établir des cadres directifs nationaux pour la protection des civils, qui s’appuient sur ces politiques et pratiques ».
Il a exhorté tous les États membres à user de leur influence sur leurs partenaires et alliés afin de garantir le respect du droit humanitaire international et l’adoption de bonnes pratiques, soulignant le rôle central du Conseil de sécurité à cet égard.