Logiciels espions et surveillance : l’ONU met en garde contre les menaces croissantes pour la vie privée

11
SHARES
101
VIEWS
Unsplash/Chris Yang
L’ONU est préoccupée par l’utilisation malentionnée de technologies de surveillance.

Le droit à la vie privée est de plus en plus menacé par l’utilisation de technologies numériques modernes en réseau, dont les caractéristiques en font de formidables outils de surveillance, de contrôle et d’oppression, selon un nouveau rapport des Nations Unies, exhortant les Etats à mieux encadrer et réglementer ces outils.

Le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a ainsi examiné trois domaines clés : l’utilisation abusive d’outils de piratage intrusifs (« logiciels espions ») par les autorités publiques ; le rôle clé des méthodes de cryptage robustes dans la protection des droits de l’homme en ligne ; et les impacts de la surveillance numérique généralisée des espaces publics, à la fois hors ligne et en ligne.

« Les technologies numériques apportent d’énormes avantages aux sociétés. Mais la surveillance omniprésente a un coût élevé, car elle porte atteinte aux droits et entrave le développement de démocraties dynamiques et pluralistes », a déclaré Nada Al-Nashif, Haute-Commissaire aux droits de l’homme par intérim.

Le logiciel « Pegasus »

Le document de l’ONU décrit en détail comment des outils de surveillance tels que le logiciel « Pegasus » peuvent transformer la plupart des smartphones en « dispositifs de surveillance 24 heures sur 24 ». De tels outils permettent ainsi à « l’intrus » d’accéder non seulement à tout ce qui se trouve sur nos mobiles, mais aussi de les armer pour espionner nos vies.

« Alors qu’ils sont prétendument déployés pour lutter contre le terrorisme et la criminalité, ces logiciels espions ont souvent été utilisés pour des raisons illégitimes, notamment pour réprimer les opinions critiques ou dissidentes et ceux qui les expriment, y compris les journalistes, les personnalités politiques de l’opposition et les défenseurs des droits de l’homme », indique le rapport.

Le rapport tire également la sonnette d’alarme sur la surveillance croissante des espaces publics. Les anciennes limites pratiques à la portée de la surveillance ont été balayées par « la collecte et l’analyse automatisées des données à grande échelle », ainsi que par les nouveaux systèmes d’identité numérisés et les vastes bases de données biométriques qui facilitent grandement l’ampleur de ces mesures de surveillance.

A l'ère numérique, les gouvernements utilisent de plus en plus les technologies de surveillance digitale pour la sécurité nationale.
© UNICEF/Elias
A l’ère numérique, les gouvernements utilisent de plus en plus les technologies de surveillance digitale pour la sécurité nationale.

Collecte et analyse systématiques des messages sur les médias sociaux

Les nouvelles technologies ont également permis la surveillance systématique de ce que les gens disent en ligne, notamment par la collecte et l’analyse des messages sur les médias sociaux.

Or très souvent, les gouvernements n’informent pas suffisamment le public de leurs activités de surveillance. « Même lorsque les outils de surveillance sont initialement mis en place à des fins légitimes, ils peuvent facilement être réaffectés, souvent à des fins pour lesquelles ils n’étaient pas initialement prévus », dénonce le document.

Dans ces conditions, l’ONU estime que les États devraient « limiter les mesures de surveillance publique » à celles qui sont « strictement nécessaires et proportionnées ». Une façon d’inviter les Etats à se concentrer sur des lieux et des moments précis.

La durée de conservation des données devrait également être limitée. Il est également nécessaire de restreindre immédiatement l’utilisation des systèmes de reconnaissance biométrique dans les espaces publics.

Plus globalement, tous les États devraient également agir immédiatement pour mettre en place des régimes de contrôle des exportations solides pour les technologies de surveillance qui présentent des risques sérieux pour les droits de l’homme.

Une personne naviguant sur les médias sociaux sur son ordinateur portable (contenu flouté pour protéger la vie privée)
Banque mondiale/Simone D. McCourtie
Une personne naviguant sur les médias sociaux sur son ordinateur portable (contenu flouté pour protéger la vie privée)

Le droit à la vie privée est plus menacé que jamais

Il s’agit surtout de veiller à ce que des évaluations d’impact sur les droits de l’homme soient réalisées en tenant compte de ce dont les technologies en question sont capables, ainsi que de la situation dans le pays destinataire.

Des mesures urgentes sont nécessaires pour lutter contre la propagation des logiciels espions, souligne le rapport, qui réitère l’appel à un moratoire sur l’utilisation et la vente d’outils de piratage jusqu’à ce que des garanties adéquates soient mises en place pour protéger les droits de l’homme. Les autorités ne devraient s’immiscer électroniquement dans un appareil personnel qu’en dernier recours, « pour prévenir ou enquêter sur un acte spécifique constituant une menace grave pour la sécurité nationale ou un crime grave spécifique », indique le rapport.

Alors que le chiffrement est mis à mal, le rapport invite les États à éviter de prendre des mesures susceptibles d’affaiblir le cryptage, notamment en procédant à un contrôle systématique des appareils des personnes, connu sous le nom de « scan côté client ».

« En bref, le droit à la vie privée est plus menacé que jamais », a conclu la Haute-Commissaire par intérim, relevant l’urgence « d’agir et de le faire maintenant »

Next Post