© UNICEF/Mark Naftalin
Un groupe de jeunes femmes boit de l’eau à un robinet installé avec l’aide de l’UNICEF dans la province de Balkh, en Afghanistan.
Environ 2,2 milliards de personnes dans le monde n’ont toujours pas accès à l’eau potable, ce qui pose une menace à la paix mondiale, a prévenu l’UNESCO dans un rapport publié vendredi à l’occasion de la Journée internationale de l’eau, qui est célébrée ce 22 mars.
« À mesure que le stress hydrique augmente, les risques de conflits locaux ou régionaux augmentent également. Le message de l’UNESCO est clair : si nous voulons préserver la paix, nous devons non seulement mieux préserver les ressources en eau mais aussi renforcer au plus vite la coopération régionale et mondiale dans ce domaine », déclare Audrey Azoulay, Directrice générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).
« L’eau, lorsqu’elle est gérée de manière durable et équitable, peut être une source de paix et de prospérité. C’est aussi l’élément vital de l’agriculture, le principal moteur socioéconomique pour des milliards de personnes », souligne Alvaro Lario, Président du Fonds international de développement agricole (FIDA) et Président d’ONU-Eau.
Selon le nouveau rapport, publié par l’UNESCO pour le compte d’ONU-Eau, 2,2 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à des services d’eau potable gérés de manière sûre. Ce chiffre atteint 3,5 milliards de personnes s’agissant de l’accès aux services d’assainissement.

© UNICEF/Frank Dejongh
Des enfants et des femmes vont chercher de l’eau dans un village du sud du Niger.
Les filles et les femmes sont les premières victimes du manque d’eau
L’objectif des Nations Unies de garantir l’accès à l’eau pour tous d’ici 2030 est très loin d’être atteint. Il est même à craindre que les inégalités continuent de s’accroître dans ce domaine. En effet, entre 2002 et 2021, les sécheresses ont touché plus de 1,4 milliard de personnes.
Le dérèglement climatique menace d’augmenter encore la fréquence et la gravité de ces phénomènes avec des risques accrus sur la paix sociale. Les filles et les femmes sont les premières victimes du manque d’eau. La première conséquence est la hausse de l’insécurité alimentaire et des risques sanitaires.
La rareté de l’eau a également un impact sur le développement social des filles et des femmes qui sont en première ligne pour la collecte de l’eau. Elles consacrent jusqu’à plusieurs heures par jour à cette tâche. Cela peut notamment contribuer à un taux d’abandon scolaire plus élevé chez les filles que chez les garçons.
Les pénuries d’eau sont également un facteur important de migrations et alimentent de nouvelles tensions sociales. En Somalie, les violences sexistes contre les personnes déplacées ont augmenté de 200%.
La rareté de l’eau peut aussi augmenter le risque de conflits. Dans la région du Sahel, la dégradation des zones humides a exacerbé les tensions concernant l’accès à l’eau et aux terres cultivables, déclenchant des troubles locaux.
La coopération transfrontalière, un levier puissant de maintien de la paix
Alors que 40% de la population mondiale vit dans des bassins fluviaux et lacustres transfrontaliers, seul un pays sur cinq a conclu des accords couvrant l’ensemble de ses eaux transfrontalières en vue de gérer cette ressource de façon partagée. Dans la région arabe, sept pays étaient en conflit en 2021, avec de vastes implications pour l’approvisionnement en eau, les infrastructures et la coopération potentielle sur les questions liées à l’eau.
En Afrique où deux tiers des ressources en eau douce sont transfrontaliers, 19 États sur 22 étudiés souffrent d’une pénurie d’eau, alors même que sur les 106 aquifères transfrontaliers cartographiés en Afrique, seuls 7 d’entre eux font à ce jour l’objet d’une coopération formalisée entre pays.
Dans ce contexte, la coopération transfrontalière pour la gestion de l’eau apparaît comme un levier puissant de maintien de la paix, suggère le rapport.
L’Accord-cadre pour le bassin de la Save, signé en 2002 par la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Serbie et la Slovénie, fut le premier accord multilatéral axé sur le développement en Europe du Sud-Est. Il a jeté avec succès les bases d’une gestion durable de la ressource en eau. Deux décennies après sa signature, il apparaît comme un élément clef de la stabilité régionale et est une source de bonnes pratiques pouvant inspirer d’autres régions du monde.

ONU Info/Dan Dickinson
Sur le lac Tchad, des pêcheuses comme Falmata Mboh Ali (à droite) travaillent dur pour subvenir aux besoins de leurs familles. Au cours des dernières décennies, le lac a vu sa taille divisée par 10 et ses réserves de poissons ont fortement diminué.
Les États sont en mesure de s’engager dans des politiques d’accès à l’eau
Alors que le lac Tchad a diminué de 90% en 60 ans, générant de nombreux défis économiques et sécuritaires dans la région, le Cameroun, le Tchad, la République centrafricaine, la Libye, le Niger et le Nigéria ont réussi ces dernières années à donner un nouvel élan à la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT).
Celle-ci a vu son mandat élargi pour à la fois assurer une utilisation efficace des eaux, coordonner le développement local et prévenir les tensions pouvant survenir entre les pays et les communautés locales. Elle est aujourd’hui l’institution la mieux à même de répondre aux besoins spécifiques du bassin, y compris les questions de développement socioéconomique et de sécurité.
Ces deux exemples soulignent que les États sont en mesure de s’engager dans des politiques d’accès à l’eau et de gestion partagée de cette ressource à la fois justes et équitables grâce à la coopération internationale et au soutien du système des Nations Unies